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Des manifestations ponctuent une journée de grève générale inégalement suivie

"Succès démocratique" pour les syndicats, mouvement disparate pour le gouvernement... Une grève générale et des centaines de manifestations ont rassemblé les Espagnols mobilisés contre la réforme gouvernementale du marché du travail.

Des manifestations rassemblant plusieurs centaines de milliers de personnes ont clôturé mecredi une journée de grève générale - la première en huit ans, mais aussi la première de "l'ère Zapatero" - qui n'a pas paralysé le pays. À l'appel des deux principaux syndicats, les Commissions ouvrières (CCOO) et l'UGT, les Espagnols ont dénoncé la réforme controversée du marché de travail.

En fin de journée, des cortèges importants se sont mis en marche à Madrid et Barcelone, les principales villes du pays. Au total, une centaine de défilés ont été organisés.

Plusieurs affrontements entre jeunes et forces de l'ordre ont éclaté, notamment à Barcelone, alors qu'une soixantaine de personnes ont été interpellées dans le pays. "L'atmosphère à Madrid est tendue depuis ce matin, expliquait également Adeline Percept en fin de journée. Des cordons de policiers sont déployés dans toute la ville. Des piquets de grève, essentiellement composés de jeunes précaires et pas forcément de syndicalistes, ont tenté d'empêcher des gens d'aller au travail ou de faire fermer les commerces qui restaient ouverts. Ils étaient suivis par la police, et on a senti la tension monter à mesure que la journée s'écoulait."

"Une loi peut changer la loi"

Les syndicats réclament une modification de la réforme du code du travail, qui facilite notamment les licenciements économiques et réduit les indemnités de licenciements. Après plus de cinq millions de chômeurs, soit plus de 20 % de sa population active, l'Espagne affiche le plus fort taux de chômage de la zone euro.

"Les syndicats espèrent que le gouvernement va revenir sur cette réforme, déjà adoptée, explique Adeline Percept. Ils espèrent également peser de tout leur poids dans le débat parlementaire qui va avoir lieu cet automne sur la réforme des retraites. Le gouvernement entend faire passer l'âge légal de départ à la retraite de 65 à 67 ans."

"Ce qui se change avec une loi peut se modifier avec une autre", a lancé le secrétaire général des CCOO, Ignacio Fernandez Toxo, en tête de la manifestation madrilène. La grève "n'est pas destinée à renverser le gouvernement, mais à faire changer sa politique", a-t-il également déclaré.

La consommation d'électricité en baisse

Le quotidien "El Pais" parle d’une grève "modérément suivie" et a évalué la participation à moins de 100 000 dans les deux principales villes. Néanmoins, l'ampleur de la mobilisation pour la grève générale est sujette à débat. Selon les syndicats, plus d'un million et demi de personnes sont descendues dans la rue - avec notamment 500 000 manifestants dans la capitale et 400 000 à Barcelone.

Les syndicats, qui évaluent à 70 % le taux de participation, soit 10 millions de travailleurs, estiment avoir remporté un "succès démocratique". Le ministre du Travail, Celestino Corbacho, a lui décrit un mouvement très "disparate". Très fortement suivie dans les secteurs de l'automobile, de la métallurgie ou de la construction, la grève n'a mobilisé que 3 % des employés du secteur hôtelier et 24 % des salariés des entreprises publiques, selon les chiffres du ministère.

Dans les transports, la grève aurait été suivie par près de 20 % du personnel, les deux syndicats ayant accepté de garantir un service minimum : une décision saluée par le gouvernement, qui a félicité mercredi "la responsabilité" des syndicats. La plupart des commerces sont pour leur part  restés ouverts.

"La consommation d'électricité, qui est un indicateur indirect mais fiable pour estimer l'ampleur de la mobilisation, est en nette baisse de 18 % ce mercredi en Espagne, a précisé Adeline Percept, correspondante de France 24 à Madrid. Cela indique que de grandes entreprises n'ont pas fonctionné, ou alors seulement au ralenti."

Le chef du gouvernement espagnol doit présenter ce jeudi son budget 2011 devant le Parlement. José Luis Zapatero reviendra-t-il sur son programme d'austérité, qui vise à réduire les déficits publics ? "Il n'est pas sûr du tout qu'il fasse marche arrière sur les mesures déjà adoptées, mais cette mobilisation pourrait l'amener à assouplir son point de vue concernant les réformes à venir", estime Adeline Percept.