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Le parquet de la Cour de cassation recommande la saisine d'un juge d'instruction

Le procureur de la Cour de Cassation Jean-Louis Nadal a recommandé la saisine d'un juge d'instruction pour prendre en charge la poursuite des investigations sur l'éventuelle implication d'Éric Woerth dans "l'affaire Bettencourt".

AFP - Le premier procureur de France, Jean-Louis Nadal, a créé la surprise lundi en recommandant la saisine d'un juge d'instruction pour poursuivre les investigations dans le volet de l'affaire Bettencourt concernant Eric Woerth.

Le procureur général près la cour de Cassation a estimé qu'à ce stade il n'y avait pas lieu de saisir la Cour de justice de la République (CJR). Désormais, il appartient au parquet général de Versailles, voire au parquet de Nanterre, de suivre ou non la recommandation de M. Nadal en décidant de l'éventuelle ouverture d'une information judiciaire sur les faits concernant le ministre du Travail.

Cet été, l'eurodéputée Corinne Lepage (Cap21) avait écrit à M. Nadal pour lui demander de saisir la CJR, seule habilitée à juger les ministres pour les crimes ou délits commis durant l'exercice de leurs fonctions.

M. Woerth est soupçonné notamment d'avoir fait embaucher son épouse par le gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt, Patrice de Maistre. Le ministre aurait également facilité l'attribution à M. de Maistre de la Légion d'honneur.

M. Nadal avait alors demandé au procureur général de Versailles, Philippe Ingall-Montagnier, de lui transmettre les éléments du dossier. Onze jours après avoir reçu cette synthèse, M. Nadal juge prématurée une éventuelle saisine de la CJR.

Pour déterminer si M. Woerth s'est ou non rendu coupable de faits délictuels lors de son passage au ministère du Budget (mai 2007 à mars 2010), il estime que de nouvelles investigations sont nécessaires, et les a réclamées lundi dans un courrier au parquet général de Versailles.

Mais la surprise est venue d'ailleurs: le haut magistrat a averti la Chancellerie qu'il avait "recommandé au procureur général de Versailles que les investigations se poursuivent dans le cadre de l'information judiciaire, seul cadre procédural de droit commun existant qui permette le strict respect des droits de la défense par l'accès à la procédure et l'assistance d'un avocat."

Pour M. Nadal, la nature et l'ampleur des investigations à mener justifient une saisine d'un juge d'instruction. Une information judiciaire contradictoire menée par un juge indépendant offre plus de droits à la défense qu'une enquête préliminaire, secrète et menée par le parquet, soumis à l'exécutif.

Une telle demande n'est en aucun cas comminatoire.

Autorité morale, M. Nadal n'est pas le supérieur hiérarchique de M. Ingall-Montagnier, qui peut décider de laisser le procureur de Nanterre, Philippe Courroye, proche de Nicolas Sarkozy et souvent attaqué sur la question de son indépendance, continuer ses enquêtes.

A ce jour, M. Courroye a ouvert trois enquêtes préliminaires: sur les écoutes clandestines chez Liliane Bettencourt, sur un éventuel trafic d'influence et sur des soupçons de blanchiment de fraude fiscale. Ce sont les deux dernières qui sont susceptibles de gêner l'ancien trésorier de l'UMP et pourraient être transformées en information judiciaire.

"Satisfait" de la non-saisine de la CJR, l'avocat d'Eric Woerth se disait "beaucoup plus réservé" sur une information judiciaire. "Mon souci est qu'on aille vite", a confié à l'AFP Me Jean-Yves Leborgne. "Une enquête préliminaire très dense est en cours depuis trois mois, je n'ai pas envie que l'on reparte à zéro avec un nouvel interlocuteur qui reparte à zéro".

Enfin, concernant l'hippodrome de Compiègne, dont les conditions de vente à une société hippique ont suscité une polémique sur le rôle d'Eric Woerth, M. Nadal a "demandé au procureur général près la cour d'appel de Paris de lui adresser tous les éléments utiles lui permettant d'apprécier les faits".