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Bruxelles soutient la commissaire européenne à la Justice

Viviane Reding, qui a demandé l'ouverture d'une procédure d'infraction en justice contre la France pour violation du droit européen dans le cadre du renvoi des Roms, a reçu le soutien, mercredi, de l'exécutif européen.

L'exécutif européen a apporté mercredi son soutien à la commissaire Viviane Reding, qui est dans le collimateur de la France après avoir durement critiqué les renvois de Roms, en affirmant qu'elle parlait "au nom de la Commission" tout entière.

"Mme Reding parle au nom de la Commission" européenne, a déclaré lors d'une conférence de presse la porte-parole de l'exécutif européen, Pia Ahrenkilde.

Pressée de questions par les journalistes afin de savoir si le président de l'exécutif européen, José Manuel Barroso, soutenait l'initiative de sa commissaire à la Justice et aux droits fondamentaux des citoyens, elle a ajouté que les travaux en cours pour évaluer l'attitude de la France "étaient faits en coordination avec le président".

La France sous la menace d'une procédure judiciaire

La Commission européenne a menacé mardi de poursuivre la France en justice pour sanctionner les expulsions controversées de Roms roumains et bulgares, accusant Paris de duplicité et faisant un parallèle avec la Deuxième Guerre mondiale.

Viviane Reding, chargée de la Justice et des droits fondamentaux au sein de l'exécutif européen, a employé des mots extrêmement durs.

"J'ai été personnellement interpellée par des circonstances qui donnent l'impression que des personnes sont renvoyées d'un État membre (de l'UE) juste parce qu'elles appartiennent à une certaine minorité ethnique. Je pensais que l'Europe ne serait plus le témoin de ce genre de situation après la Deuxième Guerre mondiale", a-t-elle lancé gravement au cours d'une conférence de presse.

"Les discriminations ethniques ou raciales n'ont pas leur place en Europe", a-t-elle martelé.

"Personnellement, je suis convaincue que la Commission ne va pas avoir d'autre choix que de lancer une procédure d'infraction contre la France" pour non respect de la législation de l'UE, a-t-elle annoncé.

La circulaire sur les Roms a mis le feu aux poudres

Visiblement ulcérée par la dissimulation de l'existence d'une circulaire française, ciblant expressément les Roms pour les expulsions, et froissée par des critiques émises la veille contre Bruxelles, de la part du secrétaire d'État français aux Affaires européennes, Pierre Lellouche, Mme Reding a accusé de duplicité les autorités françaises.

"Il est choquant qu'une partie du gouvernement français vienne à Bruxelles dire des choses et qu'une autre partie du gouvernement fasse le contraire", s'est-elle insurgée, à propos de garanties lui ayant été récemment données notamment par M. Lellouche. "C'est une honte", a-t-elle dit.

Les autorités françaises ont retiré lundi la circulaire incriminée, face à la polémique. Mais Bruxelles ne s'en est pas satisfait.

Mme Reding souhaite lancer cette procédure d'infraction pour non respect de la législation européenne dans "les deux prochaines semaines". "Trop c'est trop!", a-t-elle lancé, "ma patience a atteint ses limites".

Dans le détail, Mme Reding veut rappeler Paris à l'ordre pour transposition insuffisante d'une directive européenne sur la libre circulation de citoyens européens et pour "application discriminatoire" de ce texte. À terme, la France pourrait donc être poursuivie devant la Cour de justice européenne avec de fortes amendes à la clé.

Le ministre français de l'Immigration, Éric Besson, a tenté mardi de calmer le jeu, tout en prévenant que le gouvernement continuerait à démanteler les campements irréguliers.

Près de 160 Roms roumains ont du reste été reconduits dans la journée en Roumanie après avoir accepté la procédure du "retour volontaire" moyennant une aide financière.

Entre fin juillet et fin août, un millier de Roumains et de Bulgares en "situation irrégulière", selon le ministère de l'Immigration, ont été reconduits dans leur pays d'origine.

Cette politique a déjà valu à la France de nombreuses critiques dans le monde, récemment du haut commissaire aux droits de l'Homme Navi Pillay et du Parlement européen, qui a ulcéré Paris en demandant la suspension des renvois.

Mardi, le président autrichien Heinz Fischer a fait part à son tour de ses réserves face aux renvois collectifs de France. "Les Roms ne doivent pas être l'objet de discriminations", a-t-il déclaré.

"La France n'a procédé à aucune reconduite volontaire ou forcée sur une base ethnique", a répliqué M. Besson à l'AFP en marge d'une réunion à Bruxelles. Elle "respecte la Commission dans son rôle de gardienne des traités. Nous avons répondu à toutes ses questions et nous recommencerons si nécessaire", a-t-il aussi assuré.

Quant à Jean-François Copé, chef des députés UMP (parti de la majorité présidentielle) à l'Assemblée nationale, il a dénoncé un "procès d'intention" contre la France. "Vous ne pouvez pas toujours prendre pour argent comptant les attaques qui peuvent venir de l'Union européenne sans jamais regarder si par ailleurs il ne peut pas y avoir une arrière pensée politique venue de l'Europe", a-t-il dit.