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La "faute grave" peut-elle vraiment être retenue comme motif de licenciement pour Domenech ?

La Fédération française de football (FFF) a adressé sa lettre de licenciement à l'ex-coach des Bleus pour "faute grave", c'est-à-dire sans négociation ni indemnités. Juridiquement toutefois, les choses ne semblent pas si simples...

La Fédération française de football (FFF) a envoyé, la semaine dernière, une lettre de licenciement à Raymond Domenech. Motif du débarquement de l'ex-coach des Bleus : "faute grave", comme l'a confirmé lundi le président intérimaire de la FFF, Fernand Duchaussoy.

Le 23 juillet dernier, Duchaussoy avait évoqué, parmi les griefs retenus contre le coach, des "faits inacceptables, contraires à l'éthique. Par exemple de ne pas avoir serré la main de l'entraîneur adverse [Carlos Alberto Parreira, sélectionneur de l'Afrique du Sud, lors du match entre la France et les Bafana Bafana, le 22 juin, NDLR]". Ou encore "de ne pas avoir averti le président de la FFF, présent sur place, des événements qui se sont passés à la mi-temps de France-Mexique [l'altercation entre Raymond Domenech et Nicolas Anelka qui s'était ensuite retrouvée à la une du quotidien "L'Équipe", NDLR]", et d'avoir lu le communiqué des joueurs grévistes, le 20 juin, à Knysna.

Reste que la sentence ressemble fort à un coup médiatique destiné à clore l'affaire. Car dans la pratique, Raymond Domenech ne peut plus être licencié sous un tel motif... parce qu'il est tout simplement caduc.

Des faits reprochés trop tardivement

L’article L1332-4 du Code du travail stipule en effet qu'"aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales." En clair : selon la loi, des faits qui remontent à plus de deux mois ne peuvent plus être retenus comme faute professionnelle à l'encontre d'un salarié. Or entre le 22 juin, date à laquelle Domenech a refusé de serrer la main de Carlos Alberto Parreira, et le 2 septembre, date à laquelle il a reçu sa lettre de licenciement, 72 jours se sont écoulés...

En outre, l'ex-sélectionneur des Bleus ayant achevé son CDD à la tête de l'équipe de France avec la fin de la Coupe du monde, celui-ci ne dispose plus que d'un seul contrat avec la FFF : son CDI au sein de la Direction technique nationale (DTN), qui court depuis 1993. Or, là encore, la Fédération ne peut rien lui reprocher au niveau légal, car si "Domenech le coach" a pu se rendre coupable de certaines fautes pendant le Mondial sud-africain, "Domenech le DTN" n’a rien à voir avec elles...

Indemnités

Avec autant de flèches à son arc, l'homme le plus détesté de France sait donc qu'il n'aurait aucun mal à détruire le dossier de la FFF, au cas où il déciderait de jouer la partie devant le tribunal des prud'hommes. La Fédération aussi d'ailleurs, dont le patron a laissé entendre, la semaine dernière, qu'il "y aurait probablement une négociation, cela [faisant] partie de la procédure logique"...

Selon "Le Parisien", les indemnités de départ que pourrait toucher Raymond Domenech s'élèveraient à près de 300 000 euros, tandis que le "Journal du Dimanche" évoque une somme de 500 000 euros, ces deux chiffres semblant plus proches de la réalité que les 1,5 à 2 millions d'euros précédemment évoqués par "France Soir".

Après les suspensions de l'équipe de France infligées aux quatre mutins du Knysna, la résolution du cas Raymond Domenech semble donc prendre la route d’un accord financier déguisé. Resterait alors à solder celui du Conseil fédéral, contre lequel aucune sanction n’a encore été prononcée. De nombreux observateurs s'accordent pour dire en effet qu'en reconduisant unanimement l'ex-coach des Bleus après le fiasco de l’Euro-2008, celui-ci est à l'origine du péché de Knysna. Mais là, il s'agit d'une autre histoire...