
À l'invitation du président Obama, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas sont à Washington pour reprendre des négociations directes. Beaucoup doutent de l'issue de cette rencontre.
Israéliens et Palestiniens ne s'étaient pas assis à la même table depuis le début de l'opération "Plomb durci" contre Gaza, à la fin de 2008. Ce mercredi soir, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, et le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, dîneront ensemble, à la Maison Blanche.
Ni l'un ni l'autre n'ont pu refuser l'invitation pressante du président américain à une reprise, sous ses auspices, des négociations directes sur un accord de paix. Arrivés à Washington, les deux responsables politiques ont, chacun à leur tour, rencontré la secrétaire d'État américaine, Hillary Clinton, avant d'avoir des entretiens en tête-à-tête avec Barack Obama. Les discussions de fond débuteront officiellement jeudi.
À la veille de cette rencontre, de nombreux analystes sont sceptiques. "Pour être honnête, les raisons d'être pessimistes quant à l'issue des négociations sont justifiées", écrivait cette semaine le directeur du Centre Al-Ahram d'études politiques et stratégiques du Caire, Abdel Monem Said, dans le quotidien panarabe "Al-Sharq Al-Awsat".
"Au vu de mon expérience, je ne suis pas optimiste sur le fait que cette réunion débouche sur une avancée concrète, conduisant à un traité sur le statut final" de deux États, a affirmé de son côté Mohammed Dahlan, conseiller à la sécurité de Mahmoud Abbas, sur FRANCE 24. La mort de quatre Israéliens, mardi, dans une attaque revendiquée par la branche armée du Hamas que Barack Obama a qualifié de "massacre insensé", devrait également peser sur les discussions.
La colonisation, ligne rouge pour les Palestiniens
"Certes les divergences de vue sont nombreuses entre les deux camps, explique Frédéric Encel, maître de conférences à Sciences-Po Paris et spécialiste du Proche-Orient. Mais en même temps, nous avons aujourd'hui deux leaderships pragmatiques et rationnels, du moins davantage que ne le furent certains dirigeants précédents. Les opinions publiques israélienne et palestinienne s'affirment aussi, sondage après sondage, favorables à la paix avec reconnaissance d'un État pour l'autre bord. Tout cela n'est tout de même pas à négliger", nuance-t-il.
Bien avant leur départ respectif pour Washington, chaque camp a, en tout cas, posé ses conditions. Dimanche, Benjamin Netanyahou a rappelé les trois principes à tout accord de paix avec les Palestiniens, insistant avant tout sur la nécessité d'une reconnaissance d'Israël comme "État du peuple juif". Mahmoud Abbas a, lui, affirmé qu'Israël porterait "l'entière responsabilité" de l'échec des négociations s'il reprenait la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.
Partiellement gelée depuis près de dix mois, la colonisation pourrait effectivement redémarrer dès le 26 septembre, date à laquelle s'achève l'actuel moratoire. Voire plus tôt... En réaction à l'attaque palestinienne, le Conseil des implantations juives en Cisjordanie a appelé, ce mercredi, à la reprise immédiate de la construction. "L'attentat ne fait que donner plus de poids aux demandes, de toute façon fondamentales, de Netanyahou dans le domaine sécuritaire", titrait le quotidien israélien "Yediot Aharonot".
Les extrémismes, un obstacle majeur
Plus de 150 universitaires israéliens se sont ralliés mardi au mouvement lancé la semaine dernière par une cinquantaine d'acteurs et de dramaturges, qui refusent de se produire dans les colonies juives de Cisjordanie. "Accepter l'entreprise de colonisation porte atteinte aux chances d'Israël de parvenir à la paix avec nos voisins palestiniens", estiment les artistes dans une pétition, publiée mardi par Haaretz.
Des écrivains, parmi lesquels Amos Oz ou David Grossman, s'apprêtent eux aussi à soutenir cette initiative. Benjamin Netanyahou a déclaré dimanche que tout boycott était "inacceptable".
Outre la colonisation, le sort des réfugiés palestiniens, les frontières et le statut de Jérusalem restent des questions décisives, aucun compromis ne semblant se dessiner. Pour Frédéric Encel, les extrémistes, et notamment ceux du mouvement Hamas, sont également un obstacle majeur aux discussions. "À chaque processus de paix, le mouvement islamiste relance la guerre. Ses chefs savent bien qu'ils ne détruiront pas Israël. Mais leur objectif est autre : casser l'Autorité palestinienne et y substituer une entité islamiste radicale, comme à Gaza."
"Mahmoud Abbas mène une partie périlleuse face au Hamas, qui joue la politique du pire, poursuit Frédéric Encel. Le président légal et légitime de l'Autorité palestinienne doit impérativement obtenir quelque chose de substantiel afin d'atténuer la propagande des islamistes, et de montrer à son opinion publique qu'en négociant, on obtient plus qu'en menant la guerre via des missiles ou des attentats."
À Washington, Benjamin Netanyahou devra lui aussi répondre à des enjeux de politique intérieure. Pour séduire l'aile dure de sa coalition, et donc se maintenir au pouvoir, le Premier ministre israélien entend montrer qu'il est capable de ne céder que le strict nécessaire.
De son côté, Barack Obama s'est largement engagé pour parvenir à relancer, après des mois d'efforts, ces négociations directes. Un pari risqué, à deux mois des élections américaines de mi-mandat ? "Pas vraiment, répond Frédéric Encel. S'il échoue, on ne pourra pas lui reprocher de ne pas avoir au moins essayé, a contrario de son prédécesseur, George Bush. Et les citoyens américains ne prêtent qu'une attention secondaire aux questions internationales."