Dans son livre "l'Allemagne se détruit", Thilo Sarrazin, qui siège au directoire de la Banque centrale allemande, s’en prend aux juifs et aux musulmans. Ses déclarations divisent la population et embarrassent le monde politique.
La banque centrale allemande ne sait pas comment s’en débarrasser, la classe politique ne trouve plus de nouveaux qualificatifs pour le condamner et les médias en font leurs choux gras depuis une semaine. Thilo Sarrazin, membre du directoire de la banque centrale, a réussi à diviser profondément la population allemande, tout en assurant le service avant et après-vente de son livre, sorti lundi, "L’Allemagne se détruit".
Ce brillant économiste, membre du Parti social-démocrate (SPD), ne fait pas dans la dentelle : son pays serait menacé par l’immigration et l’islam. À tel point que, prévient-il, si l'on n’y prend pas gare, demain "les bibliothèques seront des mosquées". À ses yeux, l’Allemagne est une entreprise, et faute de pouvoir s’y intégrer les immigrés sont improductifs. D'ailleurs, comme si l’islamophobie et la xénophobie ne suffisaient pas, Thilo Sarrazin y a rajouté un soupçon d’antisémitisme. "Les juifs ont un gène particulier, tout comme les Basques, ce qui les distinguent des autres", a claironné Thilo Sarrazin lors d’une interview dans l’édition dominicale du quotidien Die Welt, le 29 août.
Provocateur récidiviste
Autant de gouttes qui ont largement fait déborder le fragile vase du rapport de l’Allemagne à son passé. "Tous les éminents politiciens l’ont traité d’idiot, d’irresponsable et d’autres noms d’oiseaux", rappelle le quotidien de gauche la Süddeutsche Zeitung mardi. Mais Thilo Sarrazin résiste et conserve, jusqu’à nouvel ordre, son siège à la banque centrale, et ce malgré les pressions de la Chancellerie. "Un écart de conduite n’est pas une raison juridiquement valable pour le licencier", rappelle le quotidien conservateur le Frankfurter Allgemeine Zeitung. Thilo Sarrazin n’a, de son côté, absolument aucune intention de démissionner.
Monsieur Sarrazin n’a d’ailleurs pas non plus envie de rendre sa carte du SPD. Pourtant, visiblement, le parti de gauche allemand ne veut plus de ce provocateur récidiviste. Sigmar Gabriel, chef du parti, a estimé que Thilo Sarrazin avait “franchi la ligne rouge”. Les sociaux démocrates avaient déjà pensé à l’exclure en mars dernier, sans s’y résoudre. L’an passé, alors ministre des Finances de la ville de Berlin, Thilo Sarrazin avait provoqué un premier tollé en déclarant que "les Turcs ne servent à rien, sinon à produire des filles voilées". Ironie de l’histoire : après cette première provocation, il avait été recasé à la banque centrale, un poste moins exposé, où il ne pourrait pas, pensait-on, faire de dégâts. C’est raté.
Société angoissée
Double échec, car ses thèses ont trouvé un écho certain dans la population. "Thilo Sarrazin est le nègre d’une société angoissé", estime le Frankfurter Allgemeine Zeitung lundi dans un éditorial intitulé "Une erreur fatale". L’éditeur de "l’Allemagne se détruit" a, en outre, confirmé que le premier tirage était déjà épuisé avant même la sortie du livre, grâce aux précommandes. "Il a soulevé un débat que l’Allemagne n’avait jamais vraiment osé affronter. Peut-être que quelque chose de positif sortira de tout ça, si on se met à réfléchir sérieusement à la manière d'aider les immigrés à mieux s’intégrer", conclut la Süddeutsche Zeitung.