En une semaine, deux joueurs de football ont réussi, par une injonction de la justice britannique, à faire interdire la publication de témoignages sur leur vie privée dans la presse anglaise. Des cas qui pourraient faire jurisprudence.
Au pays des tabloïds et des "gossips" (ragots), la vie privée des sportifs pourrait ne plus faire les choux gras des médias britanniques. Le 20 août, un joueur de football international anglais a réussi à obtenir une injonction de la Haute Cour de Londres, interdisant à la presse de publier des allégations sur sa vie privée ou de faire mention de son identité. C’est le deuxième footballeur anglais, en l'espace d'une semaine, à bénéficier d’une telle décision de la justice britannique. Deux cas qui ne sont pas les premiers recensés au royaume de Sa Majesté.
Avant eux, le golfeur Colin Montgomerie, capitaine de l’équipe d’Europe à la Ryder Cup, avait utilisé le même procédé pour que ne soient pas exposés dans la presse ses problèmes de couple avec sa deuxième épouse, Gaynor Knowles. Lors d'une conférence dans le Wisconsin début août, avec son homologue américain Corey Pavin, Montgomery avait mis les points sur les "i". "Je suis ici pour parler de la Ryder Cup. Donc s’il vous plaît, plus de questions sur ma vie privée qui est par définition privée" . Circulez donc, il n’y a rien à voir...
Cette récente multiplication d’injonctions inquiète certains membres de Westminster qui craignent pour la liberté de la presse et la liberté d’expression. "Je n’aime pas vraiment cette nouvelle tendance des personnalités publiques qui choisissent selon leur bon vouloir ce qu’il doit se dire sur eux dans la presse," observait dans le Daily Telegraph le député conservateur Philip Davies, membre du comité parlementaire de la culture, des médias et du sport. "Il semble que la justice accorde de plus en plus d’injonctions or elles ne devraient être accordées qu'exceptionnellement," avait-il ajouté, se référant aux dérives dont elles peuvent faire l'objet au-delà du sport. En octobre 2009, une "super-injonction", qui va jusqu’à interdire à un média concerné de ne pas mentionner son interdiction de publication, avait permis à la société pétrolière Trafigura d’éviter, un temps, la parution d’un rapport sur l’expédition de déchets toxiques en Côte d’Ivoire.
Ian Cruise, ancien journaliste sportif au tabloïd Daily Mirror et aujourd’hui sur la radio TalkSport, ne croit pas que les injonctions changeront la manière de travailler dans les rédactions, qui continueront selon lui à exposer les déboires personnels des sportifs. "Dans une époque où la téléréalité et le 'célébrité-système' ont pris une telle ampleur, l’appétit pour des informations croustillantes sur les personnalités publiques est devenu incontournable, estime-t-il. On n’arrêtera pas l’intérêt du public pour ce genre de sujet ni la presse d’exposer les sportifs, en particulier les footballeurs."
"Concernant les deux joueurs de football actuellement protégés par l’injonction, à l’heure qu’il est, une armée d’avocats employée par les journaux contraints fait le forcing pour annuler cette interdiction de publication," explique Ian Cruise.
Une contre-attaque des médias est possible. Le joueur de Chelsea, John Terry, dont la "super-injonction" accordée par la justice contre The Sun, avait ainsi fini par être levée.