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Les ambassadeurs de France tiennent leur conclave annuel dans un climat morose

Alors que la conférence des ambassadeurs s'ouvre à Paris, plusieurs personnalités ont dénoncé cet été l'affaiblissement sans précédent du Quai d'Orsay. Bernard Kouchner pourrait quitter la tête du navire lors du prochain remaniement ministériel.

Suivez en direct sur FRANCE 24 le discours du président français, Nicolas Sarkozy, lors de l'ouverture de la 18e Conférence des ambassadeurs, à partir de 17 heures (heure locale).

De quoi vont discuter les quelque 180 ambassadeurs de France, réunis pendant trois jours à Paris, à l'occasion de leur conclave annuel ? Officiellement, la présidence française du G20 et du G8, qui débutera en novembre, constitue le thème central de cette 18e Conférence des ambassadeurs. Des tables rondes portant sur le changement climatique, la régulation financière mondiale ou encore les efforts de la communauté internationale en Afghanistan sont également programmés.

Mais au-delà de l'action politique et diplomatique française, d'autres sujets devraient cette année faire débat - au moins en coulisses. Alors qu'une réforme de l'action extérieure a été annoncée dès 2007 - un livre blanc sur la politique étrangère de la France a été publié en 2008 -, de nombreuses voix s'élèvent pour dénoncer une paupérisation et un "affaiblissement" du Quai d'Orsay.

"Un affaiblissement sans précédent"

Dans une tribune publiée ce mercredi dans "Le Monde", trois ambassadeurs de France appellent à discuter des "outils" nécessaires à la mise en oeuvre de l'action diplomatique. Ces outils "s'amenuisent d'année en année, jusqu'à parvenir à un point critique", alertent François Scheer, Bertrand Dufourcq et Loïc Hennekinne, anciens secrétaires généraux du Quai d'Orsay.

"L’instrument est sur le point d’être cassé, cela se voit dans le monde entier", ont également dénoncé début juillet deux anciens ministres des Affaires étrangères, Alain Juppé et Hubert Védrine. "Nous sommes inquiets des conséquences pour la France d’un affaiblissement sans précédent de ses réseaux diplomatiques et culturels", ont-ils écrit dans une tribune en forme d'appel à l'aide.

Jean-Christophe Rufin, ancien ambassadeur du Sénégal, a renchérit en parlant d'un "ministère sinistré". "Quand vous pénétrez dans les bureaux, vous découvrez deux personnes sans aucun moyen, supposées lutter par exemple contre le réchauffement climatique !", a-t-il raconté au "Monde".

"Un petit pays à l'étranger"

En 20 ans, les crédits et les effectifs du ministère des Affaires étrangères ont diminué de près de 20 %. Le budget du ministère représente environ 1 % du budget de l'État - en incluant l'aide publique au développement, les contributions aux organisations internationales, etc -, à peu près comme le ministère des Anciens combattants. Les 143 centres culturels français répartis à travers le monde ont une dotation annuelle équivalente à celle du seul Opéra de Paris.

"Le budget du ministère représente moins de 0,2 % du PIB actuel... Même si on le supprimait complètement, cela n'aurait quasiment aucun impact sur le déficit !", rappellent François Scheer, Bertrand Dufourcq et Loïc Hennekinne.

En jeu, l'action extérieure de la France et sa place sur la scène internationale. "Le monde global est un monde instable et concurrentiel dans lequel tout se négocie en permanence. Toutes les situations acquises, aussi anciennes soient-elles - notre statut de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, par exemple - peuvent, si nous n'y prenons garde, être remises en cause", avertissent les ambassadeurs.

Franck Renaud, auteur de "Les diplomates, derrière les façades des ambassades de France", a lui aussi résumé la situation dans l'hebdomadaire Marianne : soit on ampute l'action extérieure de la France et on devient un "petit pays à l'étranger", soit on tente de conserver "un minimum de moyens" et on cesse de "gratter jusqu'à l'os" le Quai d'Orsay, sur le plan humain et financier.

Bernard Kouchner donné partant à l'automne

En réponse à ces critiques, l'actuel chef de la diplomatie, Bernard Kouchner, a affirmé que le budget du ministère ne baissait plus depuis 2007. Il a indiqué que l'outil diplomatique français, qui reste le deuxième réseau au monde derrière celui des États-Unis, devait encore "gagner en efficacité" pour éviter des "doublons" et des "superpositions de structures" qui conduisent à un "gaspillage de l'argent public".

Critiqué pour sa "transparence" à la tête du Quai d'Orsay, Bernard Kouchner interviendra, ce jeudi matin, à l'ouverture des travaux de la conférence. Il doit aussi faire le point, vendredi, sur la réforme de l'action culturelle et de coopération extérieure. Le Parlement a adopté fin juillet le projet de loi donnant naissance à l'Institut français, qui chapeautera les centres culturels et sera dirigé par l'ancien ministre Xavier Darcos.

Nul doute que l'avenir même de Bernard Kouchner sera également au centre des conversations... Ministre de "l'ouverture", le chef de la diplomatie risque fort de ne pas être reconduit à son poste lors du remaniement ministériel prévu à l'automne. Qui lui succéderait alors à la tête de ce navire qui, selon certains, prend l'eau ? Le nom d'Alain Juppé, entre autres, circule.