Inventer un nouveau processus et tout perdre ensuite ? Six ans après avoir déposé son brevet, cet ingénieur français n'a plus rien.
Mercredi 5 mars 2008, 10H10, Bidart, petite commune balnéaire dans le Sud Ouest de la France.
Nous sommes venus à la rencontre d'un ingénieur de 48 ans. Il se dit victime du vol de son brevet. Le fonds d’investissement OTC Asset Management, lui aurait volé son invention. Les brevets : une arme tranchante dans la guerre économique ? Retour sur cette affaire.
Il y a quelques années, cet ingénieur met au point un procédé. Son but : déstructurer l’eau de mer pour la reconstituer sous la forme d’une solution riche en oligo-éléments. Il développe alors une gamme de produits gynécologiques … Notons que d’autres applications sont possibles, notamment dans le domaine chirurgical.
Passage obligatoire pour tout inventeur, cet ingénieur dépose son brevet à l’INPI (Institut National de la Propriété Industrielle). La seconde étape, pour cet inventeur, est celle de la commercialisation de ses produits. Pour cela, il crée le Laboratoire de Biotechnologie Marine Appliquée : LBMA. LBMA a besoin de capitaux importants pour son développement industriel et il fait donc appel à un fonds d’investissement : OTC Asset Management.
C’est là que les ennuis commencent !!! Au lieu des six mois habituels, OTC met 13 mois à apporter l’argent…Résultat : LBMA est à la limite du dépôt de bilan ! Pour cet ingénieur, OTC AM a délibérément tardé à apporter les fonds. Leur but : déstabiliser LBMA pour négocier des termes de contrats très avantageux. S’ensuivent de nombreuses procédures juridiques qui aboutissent à son licenciement en décembre 2007. Dur pour cet inventeur de voir son "bébé" lui échapper complètement…
Chez OTC, on n’a pas la même version de l’histoire…. "Il n’y a pas eu de pillage, il n’y a pas eu de vols de brevets", s’insurge Paul Palhon, directeur du fonds.
Pour éclaircir cette affaire, nous avons invité sur notre plateau Pierre Breesé, conseiller en propriété industrielle pour le cabinet Bredema. Retarder les négociations jusqu’au moment propice…Pierre Breesé semble sceptique. "Pour l’investisseur, l’entreprise doit être dans la meilleur santé possible pour pouvoir viser un bon retour sur investissement", explique-t’il.
Pierre Breesé voit avant tout dans cette affaire, une histoire d’hommes. "L’inventeur doit céder ses brevets. Ici, l'ingénieur a cédé son brevet à la société LBMA. Son invention appartenait alors à LBMA …c'est-à-dire à lui, mais également à d’autres actionnaires, dont OTC AM…C’est une procédure inévitable. L’investisseur ne peut pas apporter de l’argent dans une société qui n’est pas titulaire de ses brevets …. Mais, il est vrai que c’est très difficile pour un inventeur de devoir partager son bébé avec quelqu’un. Pour moi, c’est avant tout la dimension affective qui explique l’échec de ce projet."
Alors vols de brevets ou brouille entre actionnaires ? Une chose est sûre, les liaisons entre financiers et entrepreneurs sont parfois dangereuses…