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Les anciens otages espagnols évoquent des conditions de détention "sauvages"

Arrivés à Barcelone après neuf mois aux mains d'Al-Qaïda au Maghreb, les Espagnols ont qualifié leur détention de "très dure". Leur libération intervient après l'extradition vers le Mali d'"Omar le Sahraoui", condamné pour les avoir enlevés.

Fatigués, émus, mais heureux, Roque Pascual et Albert Vialta sont arrivés à 1h20 ce mardi matin à Barcelone, en Espagne, après 267 jours de détention. Ces deux bénévoles espagnols, membres de l'ONG catalane "Accio Solidaria", avaient été enlevés le 29 novembre 2009 en Mauritanie par la branche Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Leur compatriote Alicia Gomez, capturée au même moment, avait été relâchée il y a cinq mois.

Accueillis par leurs familles et des dizaines de membres de leur ONG à l'aéroport, Roque Pascual et Albert Vialta ont assuré qu'ils "allaient bien". En quelques mots, ils ont évoqué leurs conditions de détention, qualifiées de "sauvages" et de "très très dures". "Nous mangions comme eux [nos preneurs d'otages], nous dormions comme eux et nous vivions comme eux", a raconté Albert Vialta, qui marche avec une béquille en raison des trois balles qu'il a reçues dans le pied lors de son enlèvement. "Mais eux sont habitués à la vie dans le désert, pas nous. Nous étions traités correctement, mais nous étions des otages."

Leur chemin vers la liberté a été lui aussi particulièrement éprouvant, comme le raconte le quotidien espagnol "El Pais". Libérés au Mali, les otages ont dû parcourir des centaines de kilomètres à travers le désert puis la savane, dans des zones où il n'y avait souvent ni route ni piste. Un hélicoptère burkinabé les a récupérés dans la région de Menaka, à la frontière avec le Burkina Faso, pour les transporter à Gorom puis à Ouagadougou.

Le rôle clé de Mustafa Chafi 

Aussitôt après avoir posé le pied à Barcelone, les deux coopérants ont salué "l'effort diplomatique considérable" du gouvernement espagnol "avec tous les gouvernements de la région" du Sahel. Le chef de l'exécutif espagnol, José Luis Rodrigues Zapatero, a lui aussi remercié "les différents gouvernements, surtout ceux de la zone où s'est produit cette prise d'otage".

Le Burkina Faso, notamment, a joué un rôle décisif dans cette libération par le biais de Mustafa Ould Liman Chafi, le conseiller du président burkinabé Blaise Compaoré. De nationalité mauritanienne, Mustafa Chafi a mené les négociations entre l'organisation islamique et les autorités pendant les neuf mois qu'aura duré cette prise d'otages - la plus longue jamais réalisée par l'Aqmi. C'est Al-Qaïda, et non le gouvernement espagnol, qui l’avait choisi comme médiateur au vu de son "expérience" : il avait notamment déjà négocié la libération de deux diplomates canadiens en 2009.

L'attaque franco-mauritanienne menée contre l'Aqmi le 22 juillet pour tenter de libérer l'otage français Michel Germaneau - qui s'est soldée par un échec - a été "le moment le plus difficile" de sa mission, a raconté Mustafa Chafi lundi soir au Burkina Faso. Les preneurs d'otages étaient "sur le point de tuer" les otages espagnols. "Nous les donnions presque pour morts. Nous croyions que c'était une cause perdue", a-t-il ajouté.

Mustafa Chafi s'est alors efforcé de convaincre les preneurs d'otages qu'il fallait dissocier les cas français et espagnols. "Je leur ai expliqué en long et en large que non seulement l'Espagne n'était pas impliquée dans l'opération militaire, mais aussi qu'elle la désapprouvait", a-t-il témoigné. Dans un enregistrement audio envoyé au quotidien espagnol "El Pais", l'Aqmi affirme que la libération des deux otages espagnols est "une leçon adressée aux services secrets français".

Extradition du Malien "Omar le Sahraoui"

Les Espagnols étaient aux mains de l'Algérien Mokhtar Belmokhtar, l'un des chefs de l'organisation Al-Qaïda au Maghreb islamique. L'otage français Michel Germaneau, exécuté par Aqmi fin juillet à l'âge de 78 ans, était lui sous le contrôle d'un autre "émir" réputé plus radical et intransigeant, Abdelhamid Abu Zeid. C'est lui qui avait fait exécuter en 2009 le Britannique Edwin Dyer.

Dans son message adressé à "El Pais", Al-Qaïda précise que cette libération intervient parce que "certaines de ses revendications ont été satisfaites". L'organisation terroriste fait référence à la remise en liberté d'Omar Sid Ahmed Ould Hamma, dit "Omar le Sahraoui". Ce Malien a été condamné ce mois-ci à Nouakchott à 12 ans de travaux forcés pour avoir enlevé Roque Pascual et Albert Vialta en novembre 2009. Or selon plusieurs sources, citées par divers médias et agences de presse, il a été extradé il y a quelques jours par la Mauritanie vers le Mali, qui n’engagerait pas de poursuites contre lui.

"C'est vrai qu'une fois Omar libéré, ça a facilité la libération des deux otages espagnols, a affirmé à l'AFP une source régionale proche des négociations. Je peux même vous dire qu'il a ensuite participé aux négociations en vue de leur libération."

Dernier élément, l'Espagne a-t-elle payé une rançon pour la libération de ses deux otages ? Le quotidien "El Mundo" parle d'une somme de 3,8 millions d'euros qui aurait été versée à Aqmi, d'autres titres évoquant un montant compris entre 5 et 10 millions d'euros.