Depuis 2009, près de 150 espions présumés ont été arrêtés au Liban pour intelligence au profit d’Israël. Mais depuis quelques mois, le phénomène prend de l’ampleur tant chaque semaine apporte son lot d’arrestations dans des secteurs très sensibles.
Du fait de sa situation géographique, le Liban a toujours été une place forte de la guerre de l’ombre que se livrent les services de renseignements internationaux et locaux dans la région tourmentée du Proche-Orient. Mais depuis quelques mois, le phénomène prend de l’ampleur tant chaque semaine apporte son lot d’arrestations d’espions présumés au profit d’Israël. Le Liban, techniquement en guerre avec l’État hébreu malgré un cessez-le-feu signé en 1949, prend l’affaire très au sérieux. "L'armée, ainsi que les FSI (Forces de sécurité libanaises) ont réussi à démanteler des dizaines de réseaux d'espionnage israéliens travaillant à affaiblir le Liban et à le déstabiliser. Les espions et les agents seront traités avec la plus grande sévérité, à la lumière des verdicts fermes que prononcera à leur encontre la justice libanaise" a récemment déclaré le président Michel Sleimane. Le nombre des suspects arrêtés depuis 2009 s’élève à 150 personnes, selon le ministre libanais de la Justice Ibrahim Najjar. Le pays du Cèdre compte envoyer un rapport au Conseil de sécurité de l’ONU pour attirer son attention sur cette question, a-t-il précisé dimanche.
Des télécoms, à l’armée
Les récentes interpellations d’agents présumés infiltrés dans le secteur sensible des télécommunications ou celles de hauts responsables politiques ont défrayé la chronique et mis au jour l’importance du réseau israélien. L’État hébreu n’a livré aucun commentaire à ce sujet pour le moment. Samedi, un cadre de la compagnie publique de téléphonie, le troisième dans ce cas, a été arrêté pour espionnage. Avant lui, des employés d’un opérateur de téléphonie mobile ont été confondus et inculpés au cours du mois de juillet. Largement relayés par les médias locaux, ces évènements successifs dignes d’un roman d’espionnage semblent avoir installé un climat de suspicion à Beyrouth. Ainsi, l’armée libanaise, dont plusieurs officiers retraités ont été arrêtés dans le cadre de l’opération, a publié un communiqué dans lequel elle a mis en garde contre "les fausses accusations", précisant qu’elle tenait à préserver "la réputation de ses militaires et les défendra face à ceux qui lancent ces rumeurs".
Et ce n’est pas la dernière prise des Forces de sécurité libanaises (FSI), qui va calmer
les esprits. Arrêté la semaine dernière, Fayez Karam, 62 ans, est un ancien général de l’armée libanaise spécialisé dans le contre-espionnage, et un cadre éminent du Courant patriotique libre (CPL), dirigé par le général Michel Aoun, une des principales figures politiques du pays du Cèdre. Suspecté d’être entré en contact avec des responsables israéliens, il doit être entendu devant un tribunal ce lundi. Sa mise en cause a créé une onde de choc à Beyrouth car Aoun n’est autre que le principal allié politique du… Hezbollah de Hassan Nasrallah.
Peine de mort
Hassan Nasrallah, déclaré objectif militaire par Israël, a récemment demandé que les exécutions des agents déjà condamnés soient hâtées. Car selon la loi libanaise, les collaborateurs encourent la peine de mort pour intelligence avec l’ennemi. Or, le parti chiite s’estime la cible principale des services de renseignements israéliens, depuis le conflit meurtrier qui a opposé les deux parties lors de l’été 2006. Nasrallah, qui revendique depuis "une victoire divine " contre les Israéliens, va plus loin dans la théorie du complot. Il affirme que l'enquête internationale sur l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri en 2005 est sur le point d’impliquer plusieurs membres de son parti, conformément à un complot fomenté par l’État hébreu. Pour parvenir à leurs fins, les enquêteurs se seraient appuyés, selon lui, sur des informations collectées à travers les réseaux téléphoniques libanais, ceux-là mêmes qui sont manifestement infiltrés par des espions israéliens. Pour le leader chiite la manipulation est claire. Il entend d’ailleurs faire des révélations "preuves à l’appui " sur l’implication israélienne dans l’attentat contre Rafic Hariri.