Au lendemain des heurts entre armées libanaise et israélienne, qui ont fait quatre victimes, la Force des Nations unies au Liban a affirmé que l'arbre que Tsahal voulait arracher se trouvait bien du côté israélien de la Ligne bleue.
L'armée israélienne s'est redéployée, mercredi, dans le secteur où a eu lieu mardi matin un incident meurtrier entre forces armées israéliennes et libanaises, à la frontière entre les deux pays. Alors que se réunit ce matin le cabinet de sécurité israélien, les deux pays se rejettent mutuellement la responsabilité des heurts. Au Liban, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a déclaré que la "résistance" était à la disposition de l'armée et du peuple libanais.
Au lendemain des affrontements qui ont fait quatre victimes – deux soldats et un journaliste libanais ainsi qu'un officier israélien, le lieutenant-colonel Dov Harari –, les forces israéliennes ont finalement arraché l'arbre à l'origine des heurts dans le secteur frontalier d'Aadaissé, cette opération ayant été interrompue mardi par les heurts. D'importants renforts, et notamment des véhicules blindés, étaient déployés pour protéger les militaires israéliens. Le Liban ripostera à toute nouvelle "agression" israélienne, a prévenu mercredi un porte-parole de l'armée libanaise.
Deux versions qui s'opposent
Juillet 2006. Suite à une embuscade du Hezbollah sur le territoire israélien où huit soldats trouvent la mort et deux soldats sont faits prisonniers, l’armée israélienne frappe l'aéroport de Beyrouth, bloque les ports du Liban et bombarde des infrastructures. Les soldats libanais contre-attaquent en envoyant environ 4 000 roquettes en Israël.
Août 2006. Cette guerre, qui aura duré 33 jours, prend fin par une trève sous l’égide de l’ONU. Au total, le bilan s’élève à 1200 morts, civils pour la plupart, côté libanais et 158 côté israélien.
Octobre 2006. Israël achève son retrait du Liban, à l'exception du village divisé de Ghadja. L'armée libanaise et la Finul au Liban prennent le contrôle du Sud-Liban.
8 janvier 2009. Au moins trois roquettes tirées du Liban tombent sur le nord d'Israël. L'attaque est interprétée comme une réaction à l'offensive lancée quelques jours plus tôt par Tsahal contre le Hamas à Gaza. Israël riposte par une salve d'artillerie contre le Sud-Liban.
Février 2009. Au moins six obus d'artillerie sont tirés par Tsahal sur le Sud-Liban, visant une zone d'où deux roquettes avaient été lancées sur le nord d'Israël.
Décembre 2009. L'armée libanaise annonce avoir ouvert le feu contre quatre avions militaires israéliens, au-dessus du Sud-Liban. Ces survols israéliens enfreignent la résolution 1701 du Conseil de sécurité, qui a mis fin au conflit de l'été 2006.
Août 2010. Des affrontements éclatent à la frontière israélo-libanaise provoquant la mort de deux soldats et un journaliste libanais ainsi qu'un officier israélien.
Alors que deux versions s'opposent toujours quant à l'origine des heurts, Beyrouth et Tel Aviv s'accusant mutuellement d'être responsable de l'attaque, la Force des Nations unies au Liban (Finul) a affirmé mercredi matin que l'arbre que Tsahal a arraché se trouvait bien du côté israélien de la frontière.
"La Finul a établi que les arbres coupés par l'armée israélienne se situent au sud de la Ligne bleue, du côté israélien, indique-t-elle dans un communiqué. Dans cette zone, le gouvernement libanais exprime des réserves concernant le tracé de la Ligne bleue", établi par l'ONU après le retrait de l'armée israélienne du Liban-Sud, en 2000.
Tsahal a affirmé mardi que ses soldats n'ont pas traversé la frontière libanaise et a également estimé que l'armée libanaise portait la "pleine responsabilité" des heurts. "L'armée libanaise a ouvert le feu en direction d'une position de l'armée le long de la frontière libanaise, dans le nord d'Israël, a indiqué l'armée israélienne. Notre force se trouvait en territoire israélien, menant des travaux d'entretien de routine en coordination avec la Finul".
Le commandant du secteur nord d'Israël, le général Gadi Eisencott, a estimé pour sa part que les soldats étaient tombés dans une "embuscade" de l'armée libanaise. Le quotidien israélien Haaretz rapporte lui aussi que "les forces de défense israéliennes pensent qu'il s'agissait d'une embuscade menée par un officier libanais". "L'incident de mardi n'a pas été programmé par l'état-major de l'armée libanaise à Beyrouth ni par le Hezbollah", a cependant affirmé mercredi le ministre israélien de la Défense Ehud Barak.
Ligne bleue
Selon l'armée libanaise en revanche, des soldats israéliens ont bien franchi la Ligne bleue. "La patrouille ne s'est pas arrêtée malgré l'intervention de la Finul pour l'en empêcher. L'armée libanaise est intervenue en faisant usage d'armes à feu et de roquettes de type RPG", a-t-elle précisé dans un communiqué.
"Israël viole quotidiennement l'intégrité territoriale du Liban et la résolution 1701 des Nations unies [qui a mis fin à la guerre de 2006], a déclaré mardi le ministre de l'Information libanais, Tarek Mitri, à France24.com. Mais ces évènements représentent une escalade tout à fait inattendue : l'armée israélienne a traversé la Ligne bleue. L'armée libanaise a riposté fortement, ce à quoi les soldats israéliens ne s'attendaient sans doute pas. L'armée libanaise était dans son plein droit."
"L'armée a protégé l'arbre de la résolution 1701 avec le sang de ses martyrs", titre mercredi le quotidien libanais An Nahar. "La Ligne bleue est tâchée de rouge", écrit le journal Al Akhbar, dont l'un des journalistes a été tué dans les heurts. "L'armée a vaillamment repoussé l'agression israélienne ; la Finul est un témoin silencieux !" accuse de son côté le quotidien As Safir.
La "Résistance" ne restera pas passive
Le Conseil de sécurité israélien se réunit ce mercredi pour discuter des répercussions de ces affrontements. De son côté, le président libanais Michel Sleimane a réuni les responsables de la défense et a décidé de porter plainte auprès du Conseil de sécurité de l'ONU. Réuni à huis clos mardi soir, celui-ci s'est dit "profondément inquiet" par ces affrontements.
Ces heurts interviennent alors que la tension était déjà forte au Liban, en raison notamment de la probable inculpation de responsables du Hezbollah par le Tribunal spécial pour le Liban, dans le cadre de l'enquête sur l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri. Mardi soir, le secrétaire général du Hezbollah s'est cependant déclaré "au service" de l'armée et du peuple libanais. Hassan Nasrallah s'exprimait à l'occasion du quatrième anniversaire de la fin de la guerre de 2006.
"Nous étions prêts à combattre et à nous défendre [lors de l'accrochage de mardi matin], mais la sagesse, l'intérêt et la loyauté ont fait que la résistance s'est mise à la disposition de l'armée qui se chargeait de cette confrontation", a déclaré Hassan Nasrallah.
Il a cependant averti que son mouvement ne resterait pas passif en cas de nouvelle "agression sioniste". "Dans tout lieu où l'armée sera agressée et où se trouverait la Résistance, celle-ci ne restera ni silencieuse ni disciplinée. Nous couperons la main israélienne qui portera atteinte à l'armée libanaise", a-t-il martelé.
Hassan Nasrallah a toutefois estimé que l'incident ne devrait pas dégénérer en nouveau conflit. "Je ne m'attends pas à ce qu'une guerre éclate prochainement, mais il y a des raisons de s'inquiéter", a-t-il dit. De son côté, Ehud Barak a souhaité qu'il n'y ait "pas d'escalade".