
Interrogé huit heures durant par la brigade financière, le ministre du Travail a réfuté les accusations de financement politique illégal et de trafic d'influence exercé pour l'embauche de sa femme au sein de la société Clymène.
AFP - Eric Woerth a récusé jeudi tous les soupçons de conflit d'intérêts et de financement politique illégal dont il est l'objet dans l'affaire Bettencourt, devant les policiers de la Brigade financière qui l'ont interrogé durant près de huit heures.
A l'issue de l'audition, l'avocat du ministre du Travail, Jean-Yves Le Borgne, a annoncé à la presse que le ministre avait réitéré son rejet de l'ensemble des suspicions. "Ces illusions, ces allégations, ces mensonges qui ont nourri une chronique pendant trop longtemps aient un terme", a dit l'avocat. "Les explications d'Eric Woerth le mettent complètement en dehors de la polémique", a-t-il ajouté.
Les policiers de la Brigade financière s'étaient présentés peu avant 09H00 au ministère du Travail, rue de Grenelle (VIIe arrondissement). L'audition a pris fin vers 16H45, selon l'entourage du ministre, premier membre du gouvernement entendu par la justice depuis l'élection de Nicolas Sarkozy en 2007.
Autorisée depuis le 21 juillet par le Conseil des ministres, l'audition était attendue par le ministre, avide de dissiper les soupçons nés de la révélation à la mi-juin d'enregistrements clandestins réalisés au domicile de Liliane Bettencourt et des accusations d'une ex-comptable de la milliardaire.
itPrésenté il y a encore quelques semaines comme Premier ministrable, M. Woerth s'est trouvé sous le feu des critiques de l'opposition en pleine présentation du projet de loi réformant les retraites.
Il a été entendu "de manière globale" sur les différents aspects de l'affaire Bettencourt pour lesquels son nom est apparu, selon le parquet de Nanterre.
Il a répondu aux accusations de financement politique occulte proférées par l'ex-comptable de Liliane Bettencourt, Claire Thibout. Cette salariée, licenciée en 2008, affirme que le gestionnaire de la fortune de Mme Bettencourt, Patrice de Maistre, lui avait demandé de retirer la somme de 150.000 euros début 2007, destinée selon elle à Eric Woerth, trésorier de l'UMP et de la campagne de Nicolas Sarkozy.
Selon Me Le Borgne, M. Woerth "a, avec une vigueur et une énergie particulière, nié avoir reçu un quelconque financement politique qui eût été non conforme à la loi".
Les enquêteurs l'ont également interrogé sur les éléments apparus dans les conversations tenues dans le bureau de Mme Bettencourt et enregistrées par son majordome entre mai 2009 et mai 2010. Ces écoutes suggèrent un possible conflit d'intérêts entre sa double casquette de trésorier de l'UMP (jusqu'à vendredi) et de ministre du Budget (jusqu'en mars) et l'embauche de sa femme par la société Clymène, gérant le patrimoine de Mme Bettencourt.
Eric Woerth "à aucun moment n'est intervenu pour que son épouse soit embauchée par M. de Maistre", a déclaré Me Le Borgne.
Il a "expliqué avoir évoqué avec M. de Maistre, au cours d'une conversation banale, la profession de son épouse (...). Cela se passait à un moment où il n'était pas ministre", a ajouté l'avocat, récusant ainsi tout trafic d'influence.
Enfin se pose la question d'un traitement fiscal favorable à l'égard de l'héritière de L'Oréal, qui a admis disposer de comptes en Suisse, "à régulariser", et d'une île aux Seychelles au statut flou.
Le ministre, qui a fait de la lutte contre la fraude fiscale son cheval de bataille lorsqu'il était à Bercy, a été blanchi sur ce point par un rapport de l'Inspection générale des finances (IGF), dépendante de Bercy.
L'affaire laissera "une trace" pour M. Woerth, qui a, selon le porte-parole adjoint de l'UMP, Dominique Paillé, fait l'objet d'une "curée médiatique" et d'une "chasse à l'homme absolument éhontée". Le PS et les Verts ont de leur côté dénoncé "une mise en scène" pour gagner du temps et réclamé une nouvelle fois la désignation d'un juge d'instruction.