Les documents de WikiLeaks faisant état de liens entre les services secrets pakistanais et les Taliban ne font que confirmer des faits connus, explique Jean-François Daguzan, auteur de "L’Asie centrale après la guerre contre le terrorisme".
Les documents publiés par WikiLeaks qui établissent que les services de renseignement pakistanais et les Taliban tiennent régulièrement des "réunions stratégiques" apportent-t-ils des informations nouvelles ?
Jean-François Daguzan : Ce n’est que la confirmation par écrit de faits connus. Il ne faut pas oublier que le Pakistan et les Taliban ont des liens historiques depuis l’entrée à Kaboul des Taliban en 2002. Cette prise de pouvoir avait été favorisée par le Pakistan. Depuis lors, ces relations sont simplement devenues officieuses sous la pression des Etats-Unis.
Quelle est la nature aujourd’hui des relations entre les services secrets pakistanais et les Taliban ?
J.-F. D. : D’abord, ce n’est qu’une partie des services secrets qui continue à soutenir les Taliban. En effet, lorsque l’ancien président pakistanais Pervaz Musharraf s’est rangé du côté américain, il a fait une vaste purge dans ses services. Mais le Pakistan continue à avoir besoin des Taliban afghans. En fait, il y a une sorte de marché : le Pakistan leur fournit des informations en échange de quoi les Taliban afghans laissent Islamabad s’occuper des Taliban pakistanais. De plus, en période calme, le Pakistan utilise les Taliban comme une force d’insurrection au Cachemire.
Ces "révélations" de WikiLeaks peuvent-elles amener les Etats-Unis à revoir leur relation avec le Pakistan ?
J.-F. D. : Clairement non. Les Etats-Unis ont plus que jamais besoin du Pakistan dans la région. C’est leur pion essentiel dans le conflit contre les insurgés. Une relation qui risque de devenir encore plus importante si, comme cela se profile, les autres pays de la coalition venaient à se retirer progressivement de la région. Au mieux, sous la pression de l’opinion publique, l’administration Obama peut durcir son discours officiel. Mais au final, Islamabad est la meilleure chance américaine pour une solution politique dans la région.