Après l’assassinat de l'otage Michel Germaneau par Al-Qaïda au Maghreb islamique, Nicolas Sarkozy déconseille de se rendre au Sahel. Mais pour Marc Francioli, président de l’ONG SOS Sahel, pas question d’arrêter de travailler dans la région.
"Nous demandons instamment à nos compatriotes de renoncer définitivement à voyager dans la zone sahélienne". C’est ce qu’a déclaré Nicolas Sarkozy dans un discours prononcé lundi 26 juillet, en confirmant la mort de l’otage français Michel Germaneau. Cet humanitaire enlevé le 19 avril dans le nord du Niger a été assassiné par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
Marc Francioli, président de SOS Sahel, une ONG qui mène des projets de développement local et régional sur le terrain (accès à l’eau, assainissement, préservation des sols, reforestation, etc.), dénonce une recommandation trop précautionneuse. Pour lui, il ne faut pas confondre les zones à risque et le Sahel, sous peine de nuire à la région tout entière, déjà sévèrement touchée par la famine.
France 24. Suite à l’assassinat de Michel Germaneau, comptez-vous arrêter vos actions au Sahel ?
Marc Francioli. Non. Nous n’avons pas l’intention de nous retirer de la zone sahélienne,
où nous travaillons depuis plus de 30 ans, d’autant qu’il y a actuellement dans cette région une famine désastreuse.
N’est-il pas dangereux de continuer à travailler dans la région ?
Nicolas Sarkozy a parlé dans son discours de "zone sahélienne" : il s’agit d’un amalgame préoccupant. On ne peut pas laisser dire que le Sahel est une zone à risque.
Il y a certes des poches de non-droit, très dangereuses, notamment dans certaines régions de Mauritanie, du Mali et du Niger. Elles sont tenues par des terroristes islamistes, mais aussi des trafiquants de drogue et d’armes, des rebelles touaregs, des bandits de grands chemins. Mais il ne faut pas confondre ces poches avec le Sahel en général, une immense région au sud du Sahara qui va de la côte atlantique à l’océan Indien, du Cap Vert à l’Éthiopie. Pas moins de 200 millions d’habitants sont concernés.
Craignez-vous que le discours de Nicolas Sarkozy ait un impact négatif au Sahel ?
La confusion est préjudiciable, il va nuire à l’image du Sahel et pourrait conduire à une réduction des volumes de dons que nous recevons. Les donateurs pourraient d’une part, faire un amalgame entre les paysans du Sahel et les terroristes, et d’autre part s’inquiéter que l’on puisse arrêter nos actions en cours.
Si les dons peuvent diminuer, je ne pense pas, en revanche, que les grandes organisations, comme l’Union européenne, rapatrieront leur personnel sur place.
J’espère toutefois que dans les prochains jours, Nicolas Sarkozy nuancera son discours. Il a fait preuve d’un excès de précaution. C’est comme si, après un attentat à Paris, les États-Unis recommandaient de ne plus se rendre en Europe.
Quelle est actuellement la situation humanitaire dans les pays du Sahel ?
La famine est très préoccupante, notamment depuis le mois de juin, et cela devrait durer jusqu’aux prochaines récoltes, en septembre. C’est à cause de la sécheresse – les pluies quasi inexistantes ont limité le rendement des récoltes, qui ont lieu de septembre à la fin de l’année. Les stocks ont été rapidement épuisés.
Dans toutes ces zones, les habitants ne font souvent plus qu’un repas par jour. C’est au Niger que la situation est la plus grave. Là-bas, tout le pays est touché par la malnutrition, alors qu’au Mali, au Tchad ou au Burkina, seules certaines régions sont concernées. Au Niger, 8 millions de personnes, sur une population d’environ 12 millions d’habitants, sont en état de malnutrition ou de dénutrition.
De plus 250 000 enfants sont dénutris (il s’agit d’un stade avancé de la malnutrition, quand les enfants ne peuvent plus se déplacer, c’est une sorte d’antichambre de la mort).