Le Parlement libanais doit examiner jeudi une proposition de loi visant à améliorer la situation des réfugiés palestiniens au Liban. Mais l'issue des débats reste incertaine tant cette question reste sensible au pays du Cèdre.
Les parlementaires libanais doivent débattre, jeudi, sur le sort des réfugiés palestiniens, cantonnés dans 12 camps surpeuplés du pays et privés de nombreux droits élémentaires. Ce débat, récurrent dans le pays du Cèdre, a été relancé à la faveur de la soumission d’un texte de loi, le mois dernier, par le leader druze Walid Joumblatt. Ce dernier propose d’accorder en urgence une série de droits civils, tels que les droits au travail, à la sécurité sociale et à la propriété aux centaines de milliers de réfugiés. Une question sensible qui divise depuis quelques semaines la classe politique libanaise au point de menacer le vote de la loi.
Levée de boucliers chez les chrétiens
Les députés chrétiens, qui restent très divisés sur de nombreuses questions, ont cette fois exprimé à l’unisson leur rejet en l’état du texte. Leur principale crainte étant que cette loi soit le prélude de l’implantation définitive des Palestiniens au Liban dans le cadre d'un règlement global du conflit israélo-palestinien. Le rejet de l’implantation, vieille revendication chrétienne, est par ailleurs consigné dans la Constitution libanaise.
"Nous soutenons complètement les droits des réfugiés palestiniens […] mais la question est d'ordre politique : si vous transformez progressivement un réfugié palestinien en un résident dans son pays d'exil, cela devient dangereux", affirme le député aouniste Ibrahim Kanaan, interrogé par l’AFP. L’équilibre politique du pays reposant sur le poids démographique des communautés, les chrétiens, qui ne sont plus majoritaire dans le pays depuis les années 1970, craignent de voir leur influence se réduire si les Palestiniens venaient à renforcer les rangs musulmans.
"Il n’est pas certain que les textes soient prêts pour être votés jeudi, car les esprits ne sont pas encore assez mûrs pour trouver un consensus", déclare à france24.com le député Marwan Hamadé, membre du parti de Walid Joumblatt.
De l’autre côté de l’échiquier politique confessionnel du pays, le texte de Joumblatt a reçu le soutien des élus musulmans - tout autant divisés - dont les sunnites du Courant du futur du Premier ministre Saad Hariri et les chiites du Hezbollah, leurs principaux rivaux politiques. Pourtant, bien que plusieurs fois au pouvoir au cours de la dernière décennie, ces deux partis ne se sont jamais réellement penchés sur le dossier. Mais conscients des dures conditions de vie des Palestiniens, les députés libanais tentent de s’accorder sur un texte consensuel, censé améliorer sensiblement la situation des réfugiés. "La classe politique libanaise se doit de régler la question humanitaire des réfugiés palestiniens. Nous trouverons un compromis à la seule condition de préserver la structure atypique du Liban et les intérêts du pays", explique Marwan Hamadé.
Discriminations et restrictions
Dans ce pays multiconfessionnel de 4 millions d’habitants, le tissu social reste fragile et marqué par les stigmates de la guerre du Liban (1975-1990), dont un des facteurs déclencheurs était la présence des réfugiés palestiniens… Ces derniers, dont la majorité est arrivée au Liban après la création de l'État d'Israël en 1948, sont privés de certains droits élémentaires depuis des décennies. Une discrimination qui contribue à les maintenir dans des situations socio-économiques et humanitaires précaires, dénoncées par plusieurs ONG.
Et les restrictions sont nombreuses. Privés du droit à la propriété, ils sont installés dans des habitations dégradées au sein des camps de refugiés. Considérés comme apatrides par l’État libanais, ils ne peuvent bénéficier de l’assurance maladie, pas plus qu’ils ne peuvent prétendre à exercer certaines professions comme celles d’avocat, de médecin et d’ingénieur. Jusqu’en 2005, ils étaient interdits d’exercer une cinquantaine d’autres emplois tels que chauffeur, cuisinier, serveur ou encore coiffeur. Une misère qui constitue un terreau fertile pour les organisations terroristes, signalés dans les camps, qui recrutent dans les rangs désœuvrés des jeunes réfugiés…