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À Johannesburg, les immigrés craignent une nouvelle vague de violence

, envoyé spécial à Johannesburg – A Yeoville, un quartier de Johannesburg où vivent des immigrés, les habitants craignent que de nouvelles violences xénophobes éclatent après le Mondial. Les ONG font état d'incidents violents et tirent la sonnette d'alarme.

Le spectre des émeutes de 2008 plane toujours à Yeoville, quartier pauvre de Johannesburg où vivent de nombreux immigrés. Depuis plusieurs semaines, cette éventualité fait les gros titres des journaux sud-africains. Il y a deux ans, 62 personnes avaient été tuées dans des conditions qui avaient ému le monde entier (photo). Des habitants s'en étaient pris aux travailleurs immigrés, originaires pour la plupart du Zimbabwe et du Mozambique, les accusant d'alimenter la criminalité et de monopoliser les rares emplois disponibles.

Aujourd'hui, en dépit de l’ambiance de fête qui règne grâce au Mondial, les tensions entre les populations noires pauvres et les immigrés restent fortes à Yeoville. À tel point que les communautés congolaise, zimbabwéenne et camerounaise craignent de nouvelles attaques xénophobes, une fois la Coupe du monde terminée.

Blanchard, 29 ans, est un étudiant congolais. Il habite en Afrique du Sud depuis 2005. Pour lui, les rumeurs d’émeutes après le Mondial sont fondées. "À force de répéter que la Coupe du monde allait être quelque chose d’extraordinaire, certains Sud-Africains ont fini par croire qu’un miracle allait arriver. Or, aujourd’hui, leur situation est la même. Alors, ici et là, on entend ces mêmes personnes, frustrées de ne pas avoir eu leur part du gâteau, nous dire que dès que le Mondial sera fini, elles nous feront partir."
"Ce ne sont plus des rumeurs"
Les interpellations dans la rue, les insultes dans les taxis, les remarques de certains policiers… sont autant d'expériences que la majorité des habitants de Yeoville a vécu, de près ou de loin. Nkasolathi Gumbo, instituteur zimbabwéen, accuse le gouvernement sud-africain de ne pas aider les populations mal éduquées à comprendre que les immigrés ne sont pas là pour "voler leur travail mais pour combler le manque de personnes qualifiées dans le pays". Si des émeutes éclatent à nouveau, Nkasolathi n’hésitera pas à renvoyer sa famille au Zimbabwe, même si la situation y reste catastrophique.
"À ce stade, ce ne sont plus des rumeurs", explique Walter da Silva, président de l’ONG Displaced and Migrant Persons Support Program (DMPSP). "Nos antennes dans les quartiers font état de violence verbales et physiques. Un magasin somalien a déjà été brûlé au Cap et d’autres incidents ont été rapportés à Johannesburg. Voilà six mois que nous observons une escalade des violences. La Coupe du monde n’est pas le seul déclencheur. Les tensions raciales sont toujours présentes. Avec ou sans Mondial, des émeutes étaient à craindre. Sur une échelle de 1 à 10, le risque est aujourd’hui passé à 7."

Active dans la plupart des quartiers à forte densité d’immigrés, DMPSP incite les autorités locales à s’investir d’avantage dans l’éducation, la prévention et la tolérance. À la veille de la fin du Mondial, l’heure est à l’action. D'après le ministre de la Police, Nathi Mthethwa, les forces de sécurité sont à pied d’œuvre dans ces quartiers délaissés par la grande révolution de l’ANC. Objectif : éviter tout conflit et sauver l’image du pays, sorti jusqu'ici grandi d’une Coupe du monde réussie.