
Le groupe européen EADS a soumis son offre révisée pour l’obtention du "contrat du siècle" portant sur le renouvellement de la flotte de ravitailleurs de l'armée américaine. Un contrat de 37 milliards de dollars qui l’oppose à l'américain Boeing.
Ralph Crosby, le PDG d’EADS (Airbus) aux États-Unis, a très bien résumé l’enjeu. "Il s’agit du contrat le plus important du siècle en matière de défense", a-t-il martelé en remettant au Pentagone, jeudi soir, les 8 000 pages de l’offre révisée pour décrocher le droit de fournir 179 nouveaux ravitailleurs à l’armée américaine.
Le géant européen a déposé son dossier un jour avant la date limite, tandis que son concurrent, Boeing a attendu vendredi pour s'exécuter à son tour. Le Pentagone doit décider, probablement à la mi-novembre, qui décrochera ce pactole d’une valeur de 37 milliards de dollars. Revue des chances d’Airbus dans cette affaire qui traîne depuis six ans.
Le coût. Le cahier des charges du Pentagone favorise de l'avis général Boeing. Notamment sur un point crucial : le prix. En effet, le modèle de l’avionneur américain est plus petit et moins onéreux à construire. L’armée américaine a fait savoir que le coût final de l’opération serait un facteur important de choix. "Cette histoire de comparaison des coûts est idiote car on ne peut pas comparer les deux modèles et il faudrait plutôt parler de rapport qualité/prix", estime Philippe Malaval, coordinateur de groupe recherche Aéronautique, espace et transport aérien à l’École de commerce de Toulouse.
La politique. Le timing prévu pour la décision finale, prévue à la mi-novembre, tombe mal pour EADS. Au même moment se tiendront, en effet, plusieurs élections de mi-mandat aux États-Unis. Il y a fort à parier que la guerre Airbus-Boeing ne devienne dans la bouche de quelques politiciens un affrontement entre une entreprise américaine et un groupe étranger. Un groupe de lobbyistes, comprenant aussi bien des sénateurs démocrates que républicains, s’est d’ailleurs formé sous le nom "US Tanker 2010" pour soutenir Boeing. Mais Airbus n’est pas à court d’arguments. Tout d’abord, l'avionneur européen entend construire une usine à proximité du golfe du Mexique (voir ci-dessous) ce qui peut jouer en sa faveur en ces temps de débâcle pétrolière. Et puis, "le président Obama voudra peut-être montrer que cette compétition est ouverte", selon Philippe Malaval.
Le social. Certes Boeing est une entreprise américaine pur jus qui remplit le carnet de commandes de bon nombre de sous-traitants américains. Mais ce volet social est également au cœur de la stratégie de séduction d’EADS. Le groupe a annoncé qu’il installerait une partie de la production à Mobile en Alabama ce qui pourrait se traduire par la création de 1000 emplois. Une aubaine pour un État frappé par la marée noire.
L’économie. Commercialement et économiquement, l’Europe peut peser lourd dans la décision finale. Ainsi la France est-elle en train d’acheter des drones "made in USA". Et l’Allemagne envisage aussi de suivre cet exemple. Les États-Unis pourraient être tentés par un renvoi d’ascenseur. De plus, Airbus dispose de plusieurs innovations technologiques qui sont encore peu exploitées aux États-Unis et l’économie américaine pourrait ainsi profiter d’une "compensation technique et un transfert d’innovation", soutient Philippe Malaval.
Une solution ? Couper la poire en deux. "Le Pentagone s’attacherait un peu les mains en mettant tous les œufs dans le même panier", juge Philippe Malaval. En clair, l’armée américaine pourrait tout à fait décider de partager le contrat entre les deux fournisseurs. Il y aurait "de plus en plus de voix au Pentagone en faveur de ce qu'elles considèrent comme une saine émulation entre les deux groupes", assure Philippe Malaval. Resterait à savoir comment se ferait cette répartition. Équitablement ou à l'avantage de l'un des deux concurrents ?