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Le cinéma français en deuil après la mort de Claude Berri

Réalisateur et producteur de nombreux succès populaires, Claude Berri est décédé à l'âge de 74 ans à l'hôpital de la Salpêtrière, à Paris, où il avait été conduit samedi soir après un accident vasculaire cérébral.

Dans la grande famille du cinéma français, Claude Berri était le chef. Ancien parrain de la Cinémathèque française de 2003 à 2007, il en était aussi le financier incontournable pour produire un long-métrage. On ne compte plus également le nombre de films qu'il a lui-même tournés en tant que réalisateur avant de décéder, lundi matin, à l'âge de 74 ans, à l'hôpital parisien de la Pitié-Salpêtrière.

Le premier amour de Claude Berri, né Claude Langmann en 1934, est pourtant le jeu d’acteur. Elève au cours Simon, il fait sa première apparition à l'écran dans “Rue de l’estrapade” de Jean Becker en 1953, et trouve quelques petits rôles au cinéma ainsi que sur les planches. Mais ce n’est pas assez pour vivre. Il s'essaie derrière la caméra, se fait la main auprès de Maurice Pialat - son futur beau-frère - sur le film "Janine". Puis se lance dans l’aventure. Avec succès. Son deuxième court-métrage, "Le Poulet" (1962), le propulse à Hollywood, où il remporte un Oscar, ainsi qu'à la Mostra de Venise.


La vie comme source d’inspiration

Ces récompenses lui permettent de passer à la réalisation de longs-métrages. François Truffaut - dont il était un ami proche et qu'il a parfois tiré d'affaire financièrement - faisait remarquer : "Claude Berri n'est pas un metteur en scène cinéphile, il ne se réfère pas aux films existants mais à la vie elle-même, il puise à la source, il a d'abord des histoires à raconter." Le Vieil Homme et l'enfant (1966) raconte l'histoire d'un garçon juif sous l'Occupation, du temps où il était lui-même "caché sous un faux nom chez de braves vieux, admirateurs du maréchal Pétain", se souvenait-il. Un film sur "les préjugés, la bêtise".

Berri narre ainsi son adolescence ("La Première Fois", 1976), ses relations avec son père ("Le Cinéma de papa", 1970), son service militaire ("Le Pistonné", 1969), ou encore sa découverte de la libération sexuelle ("Sex-shop", 1972). Les critiques finissent d’ailleurs par lui reprocher de se regarder un peu trop le nombril. Mais même ses films les plus récents, alors qu’il disait avoir tourné la page de l'autobiographie, font écho à ce qu'il porte d'intime. Une rupture conjugale, le décès d'un fils, la dépression donnent lieu à nombre de films : "Je vous aime" (1980), "La Débandade" (1999), "Une femme de ménage" (2002), "L'un reste, l'autre part" (2005), "Ensemble, c'est tout" (2007)... Sans oublier le film qu'il avait encore en projet ces dernières semaines : "Trésor", avec Mathilde Seigner et Alain Chabat.


Mais Claude Berri sait aussi être un cinéaste populaire de veine historique - "Uranus", d'après Marcel Aymé (1990), "Germinal", d'après Emile Zola (1993), "Lucie Aubrac" (1996) - ou littéraire - "Jean de Florette" et "Manon des Sources" (1986), d'après les romans de Marcel Pagnol. Sans oublier quelques satires burlesques, dans lesquels Coluche est tour à tour prof soixante-huitard ("Le Maître d'école", 1981) et pompiste alcoolique ("Tchao Pantin", 1983).


Les plus grands cinéastes sont venus frapper à sa porte


C'est enfin avec la casquette de producteur que Claude Berri est devenu une figure centrale du cinéma français, que ce soit pour porter à l'écran des films d'auteurs ou des grands succès à gros budget. Roman Polanski ("Tess"), Milos Forman ("Au feu les pompiers"), Jean-Jacques Annaud ("L'Ours", "L'Amant"), Patrice Chéreau ("La Reine Margot"), Pedro Almodovar ("Tout sur ma mère"), Abdellatif Kechiche ("La Graine et le mulet"), ou encore Eric Rohmer et André Téchiné, sont tous allés frapper à sa porte. Claude Berri a eu également le flair pour des films qui ont cartonné : "Bienvenue chez les Ch'tis" de Dany Boon et plusieurs adaptations à l'écran d'"Astérix et Obélix".

"Produire est un moyen d'éviter de penser à soi-même", écrit-il dans ses mémoires ("Autoportrait", paru aux éditions Léo Scheer). "A un moment, j'en ai eu assez de me regarder le nombril. Je n'ai jamais voulu faire des affaires. J'ai partagé le magot." De l'argent, il en avait aussi à investir dans l'art. Jusqu'à se saigner pour un Jean Dubuffet ou un Robert Ryman, dont il était l'un des plus importants collectionneurs au monde.