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Cinquante ans après, les victimes des essais nucléaires français bientôt indemnisées

La commission chargée d'étudier les demandes d'indemnisation des victimes des essais nucléaires français effectués entre 1960 et 1996 a été inaugurée ce lundi. Un lancement accueilli avec scepticisme par les associations de victimes.

Il aura fallu attendre plus de 50 ans avant que les demandes des victimes des 210 essais nucléaires français effectués entre 1960 et 1996 dans le Sahara et en Polynésie soient entendues par le gouvernement. Lundi, le ministre français de la Défense, Hervé Morin, a inauguré le Comité d’indemnisation créé par la loi du 5 janvier 2010*. Quelque 10 millions d'euros vont être débloqués en 2011 pour dédommager les 150 000 militaires et civils - français et africains - touchés par les retombées radioactives.

Le décret est clair : pour bénéficier d’une indemnisation, la victime doit avoir été présente aux dates et lieux déterminés par la loi et être atteinte d’une des 18 maladies recensées dans le document.

Une liste de maladies "trop restrictive"

Pour Patrice Bouveret, membre de l’association de vétérans des essais nucléaires (AVEN) et responsable de l’Observatoire des armements, la loi d’indemnisation est louable mais imparfaite : "le gouvernement actuel est le premier à faire un pas vers nous depuis 1960, mais les modalités de l’indemnisation ne nous satisfont pas".

En cause, cette fameuse liste des 18 maladies ouvrant droit à réparation. "Dans les 18 cancers répertoriés, le gouvernement n’a pris en compte ni les lymphomes et myélomes [cancers du sang, ndlr] pourtant très répandus, ni les maladies cardio-vasculaires". Ainsi, sur les 3 250 adhérents de l’AVEN, 1 009 sont atteints de cancers divers mais seuls 681 sont pris en compte par la loi.

L’association parle déjà de "préjudice moral, sanitaire et social" car de nombreuses modalités, qu'elle juge "déroutantes", s’ajoutent à cette liste. Le cancer de la tyroïde, par exemple, est "limité aux personnes qui étaient enfant lors de leur exposition", une restriction d’âge "honteuse" pour Patrice Bouveret. Ou encore, le cancer du sein "ne peut concerner que les femmes". Une discrimination "injuste", selon le responsable de l’Observatoire des armements, qui rappelle que ce cancer n’épargne pas les hommes.

Des zones géographiques "mal définies"

La fronde ne s’arrête pas là. L’association estime que les "zones géographiques" retenues dans le décret contournent les lieux d’habitation des populations sahariennes et polynésiennes pourtant "copieusement contaminées entre 1966 et 1974". Des "laissés-pour-compte" qui révoltent l’AVEN : "Comment affirmer que le nuage radioactif aurait contourné certains lieux sans les pénétrer ?"

Devant ces récriminations, le ministère de la Défense a promis de réexaminer ultérieurement le dossier. "Une nouvelle réunion est déjà prévue avant la fin de l’année", se rassure Patrick Bouveret.

En attendant, c’est le branle-bas de combat dans les locaux de l’association. Dix dossiers sont partis en urgence dès l’installation officielle du comité et 250 sont sur les rangs. Les montants des indemnités devraient varier entre 50 000 et 90 000 euros par personne et les premiers versements arriver avant le mois de décembre.

*Loi relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des essais nucléaires français.