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Les avocats de Noriega estiment que l'extradition de leur client est "irrégulière"

Au premier jour du procès de l'ex-dictateur panaméen, les avocats de Manuel Noriega ont fait valoir le passé d'agent de la CIA de leur client. Jugé pour blanchiment d'argent de la drogue sur le sol français, il encourt dix ans de prison.

REUTERS - Le procès de l’ancien dictateur du Panama Manuel Noriega, extradé vers la France en avril après 18 ans de prison aux Etats-Unis, s’est ouvert lundi à Paris pour blanchiment d’argent de la drogue.

Arrêté en 1990 au Panama après une intervention militaire américaine, Manuel Noriega, homme fort de son pays dans les années 1980 où il était officiellement soutenu par les Etats-Unis, a été reconnu coupable d’avoir travaillé pour les cartels colombiens de la drogue.

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Les avocats du général, âgé de 76 ans, ont demandé au tribunal correctionnel français de déclarer son extradition irrégulière et de permettre son retour au pays.

Ils ont par ailleurs fait valoir son passé d’agent de la CIA et la Légion d’honneur que lui a remise la France à l’époque de la présidence Mitterrand.

« Il a été lâché par les Américains puisqu’il a été salarié de la CIA pendant des années, qu’il a rempli des missions extrêmement importantes comme la libération d’otages, la médiation avec Fidel Castro, beaucoup d’autres, notamment au Nicaragua », a dit aux journalistes Me Olivier Metzner.

Noriega aurait financé les « contras », la guérilla nicaraguayenne appuyée par Washington. « Par la suite, les Américains l’ont laissé tomber car peut-être il prenait trop d’importance », a ajouté Me Metzner. L’avocat a précisé que le général portait toujours sa décoration française au procès.

Manuel Noriega encourt jusqu’à dix ans de prison, la peine déjà prononcée par défaut en 1999 par le tribunal correctionnel de Paris pour ce même dossier. Il est rejugé à sa demande.

S’il est condamné, la période de trois ans durant laquelle il a contesté aux Etats-Unis la demande d’extradition française, et se trouvait donc sous écrou extraditionnel, sera décomptée de la peine prononcée.

Trois jours de procès

Costume bleu, cravate rouge, cheveux grisonnants et silhouette voûtée, Noriega a répondu à l’interrogatoire d’identité, source d’un imbroglio sur son état civil.

Deux dates de naissance figurent à son dossier et il en a fourni une troisième à l’audience: le 11 février 1934.

Ses avocats ont plaidé que la procédure française était irrégulière parce qu’il fut selon eux chef d’Etat et, disent-ils, jouisait aux Etats-Unis du statut de prisonnier de guerre. Me Antonin Lévy a soutenu qu’il ne pouvait être placé en cellule du fait de la convention de Genève sur les prisonniers.

Les trois filles du général étaient présentes à l’audience, mais pas sa femme Felicidad, condamnée par défaut en 1999 à dix ans de prison car elle détenait aussi trois millions d’euros sur des comptes bancaires parisiens, issus de l’argent de la drogue.

Au total, la famille Noriega est soupçonnée d’avoir abrité en France à la fin des années 1980 plus de cinq millions d’euros sur des comptes bancaires.

Ont été aussi acquis avec de l’argent considéré comme illicite trois logements de luxe à Paris situés Quai d’Orsay, quai de Grenelle et rue de l’Université. Ils sont aujourd’hui sous séquestre.

Le Panama, qui est partie civile au procès, a déposé une demande d’extradition pour d’autres affaires.

Le tribunal de Paris avait prononcé en 1999 la confiscation des biens de Noriega au profit de l’Etat français et leur avait infligé des amendes de 210 millions de francs (32 millions d’euros).

Les enquêtes américaine et française ont établi que l’ex-dictateur avait transformé son pays, dans les années 1980, en plate-forme de distribution mondiale de la cocaïne produite par les cartels colombiens, auxquels il aurait été allié.

Le dossier s’appuie sur les dépositions devant la justice américaine de plusieurs trafiquants de drogue, que Manuel Noriega conteste, car elles ont été selon lui suscitées par les autorités américaines pour le compromettre.

Il assure que l’argent saisi en France vient de son frère, de la fortune de sa femme ou a été placé sur les comptes par la CIA pour le compromettre. Le procès doit se terminer mercredi.