La défaite de la France face au Mexique (0-2) déçoit les supporters des Bleus. Cette non-performance des tricolores est-elle, pour autant, une surprise ? réponse avec Joachim Barbier, journaliste au magazine "So Foot".
France24.com : Quels ont été les premiers signes de l'inefficacité de Raymond Domenech ?
Joachim Barbier : À son arrivée, Domenech a fait table rase du passé en écartant les anciens, et on a vu que ça ne marchait pas très bien puisqu'on on a failli ne pas se qualifier pour la Coupe du monde 2006.
Après la retraite de Zidane, Thuram et Makélélé, on a eu droit à un Euro-2008 pathétique. Et, malgré cela, la FFF [Fédération française de football, NDLR] maintient cependant Domenech à son poste.
En 2010, voilà donc quatre ans que l'incompétence de Domenech est criante. À force de faire des mauvais choix, on se retrouve avec des joueurs qui ne sont plus de grands joueurs et qui, à l'arrivée, ne forment plus une équipe.
France24.com : Pourquoi a-t-on ignoré tous ces signes ?
J. B. : Pour des raisons plus politiques que sportives. Parce qu'on n'avait pas de candidat pour remplacer Domenech après l'Euro-2008.
La FFF a la mauvaise habitude de toujours vouloir nommer un entraîneur issu de ses rangs, notamment de la DTN [Direction technique nationale; NDLR]. À l'arrivée, tout le monde s'est mis d'accord pour garder Domenech, afin de défendre les intérêts du clan et de la famille.
France24.com : À posteriori, quelles sont les erreurs de casting évidentes parmi les joueurs ?
J. B. : On peut se poser des questions sur Franck Ribéry. Domenech en a fait son leader sur le terrain. Ribéry a demandé à jouer à gauche, son vœux a été exaucé et il a mal joué. Hier soir, il a joué milieu de terrain, il a été très mauvais. Pourquoi s'appuyer sur un joueur qui a été longtemps blessé avant d'être mêlé à des histoires extra-sportives qui ont dû le secouer ? A-t-il vraiment le mental pour être un leader comme Zidane ou Platini ?
Je trouve que c'est une erreur de casting de s'appuyer sur un joueur qui, humainement et sportivement, n'est pas à la hauteur. Après, on peut bien sûr parler aussi d'Anelka et de Govou dans le secteur offensif, même si, hier [lors du match contre le Mexique, NDLR], le naufrage a plutôt été collectif.
France24.com : On reproche à l'équipe de France de ne pas avoir de collectif. Est-ce la faute des joueurs ou de Raymond Domenech ?
J. B. : Un peu des deux. On voit une équipe de France obnubilée par un sentiment de paranoïa, qui se coupe du monde. Le football c'est la vie, c'est la joie. Je trouve que l'attitude des Bleus est mauvaise. On a l'impression qu'ils sont au boulot, et que ce boulot les ennuie.
France24.com : Pourquoi Gourcuff n'a-t-il pas réussi à s'imposer comme le meneur de jeu de l'équipe de France, et pourquoi n'est-il pas accepté par les autres joueurs ?
J. B. : Il n'est pas aimé parce qu'il est différent. Il n'aime pas sortir en boîte de nuit, il écoute de l'opéra, il est taiseux, c'est pas une grande bouche, c'est un fils de prof... Donc son profil culturel est différent. Je ne suis pas dans le vestiaire mais, en effet, il semble qu'il ne soit pas apprécié par certains cadres de l'équipe.
Iil s'agit d'une attitude très "cour d'école", mais s'il y a un sélectionneur, c'est à lui de trancher. Donc finalement Raymond Domenech ne sert à rien puisqu'il s'est défaussé après que ses cadres ont exigé l'éviction de Yohan Gourcuff.
France24.com : Qui fait l'équipe au final ? Domenech ou les joueurs ?
J. B. : La vraie question, c'est : Qui ne fait pas l'équipe ? Que ce soit Domenech ou les cadres, à l'arrivée il n'y a pas d'équipe, il n'y a pas d'âme.