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Apple lève sa censure sur la version BD d'"Ulysse", de James Joyce

Face au tollé suscité par sa décision de ne pas publier sur iPad un dessin de femme nue issu d'une adaptation en bandes dessinées d'"Ulysse", de James Joyce, Apple s'est rétractée. L'œuvre avait, elle, connu la même mésaventure il y a 70 ans...

Il y aura finalement une femme nue et deux hommes qui s'embrassent sur l'iPad. Apple est, en effet, revenue sur sa décision de censurer les dessins de deux bandes dessinées : les adaptations du roman "Ulysse", de James Joyce, revu par le dessinateur Robert Berry, et de la pièce de théâtre "The Importance of Being Earnest" ("L’importance d’être constant"), d’Oscar Wilde. Leurs dessins les plus érotiques ont finalement été réhabilités. Face au tollé suscité par l'initiative, la société américaine s’est rétractée...

L’annonce d’Apple tombe à pic. Elle intervient alors que le "Bloomsday" est fêté ce mercredi, comme tous les 16 juin, par les amoureux du roman de James Joyce, dont l’action se déroule le 16 juin 1904 et a pour principal protagoniste un certain Leopold Bloom. Les fans de l’écrivain irlandais ont frémi quand ils ont lu dans The New Yorker qu’Apple demandait au dessinateur Robert Berry de revoir deux de ses planches sur lesquelles une déesse apparaissait nue.

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Ce dernier a alors engagé des pourparlers avec la société américaine et proposé qu’une feuille de vigne cache l’essentiel. Apple refuse. "Nous nous étions résolus, au pire, à pixelliser certaines images, mais nous ne pensions pas devoir retravailler totalement le dessin, explique Robert Berry, joint par France24.com. Nous avons reçu un appel d'Apple, disant qu'ils voulaient que toute scène de nudité soit ôtée. Ils étaient polis, mais très fermes."

Puis, devant le tollé provoqué par une telle initiative dans la presse, Apple a changé d'avis. "Nous avons commis une erreur […]. Nous avons proposé aux développeurs [des applications] de soumettre à nouveau leurs dessins originaux, et de remettre à jour les appplications [pour iPad]", affirme le porte-parole Trudy Miller dans un e-mail, ce lundi. L’affaire "Ulysses seen" est donc close.

Apple lève, par la même occasion, la censure visant une autre bande-dessinée, celle proposée par le Belge Tom Bouden, adaptation de la pièce de théâtre "The Importance of Being Earnest", d'Oscar Wilde, dans laquelle il remplace des personnages féminins par des hommes. Le résultat est une farce homosexuelle qui, au départ, n'était pas vraiment du goût de la marque à la pomme. 

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"Apple n’est pas le gouvernement"

Ironie de l’histoire, "Ulysse" n’en est pas à sa première victoire contre la censure. En 1921, la New York Society For The Suppression of Vice, qui le jugeait obscène, obtenait ainsi que le roman, édité par morceaux par The Little Review, ne circule plus dans le commerce. Mais le 6 décembre 1933, une cour de l’État de New York, dans une décision restée dans les annales de l’histoire littéraire, décidait d'en lever l’interdiction.

Le dessinateur Robert Berry exulte : "Cette victoire s'ajoute à toutes celles qu'a remporté 'Ulysse' pour changer les mentalités. Quatre-vingt-huit ans après avoir été censuré aux États-Unis, James Joyce fait toujours la démonstration que la liberté artistique est un aspect fondamental de l'innovation et doit avoir sa place dans notre monde moderne."

Le directeur de la start-up Throwaway Horse, qui publie la BD "Ulysses seen", a le succès plus modeste. " Nous sommes mal à l’aise avec le terme de censure, explique Chad Rutkowski, interrogé par France24.com. Apple est chez lui et a ses raisons de ne pas vouloir publier de dessins de corps nus. Nous trouvons cela ridicule, évidemment." Avec le précédent du prix Pulitzer, dont l'application avait été momentanément interdite "par erreur" sur iPhone, le risque n’est-il pas de voir les artistes s’autocensurer quand ils voudront être publiés par Apple ? Chad Rutkowski en rejette l’idée : "Nous continuons et continuerons à publier les contenus que nous souhaitons sur notre site web. Apple n’est pas le gouvernement".

L’homme d’affaires admet toutefois que cet épisode "a été l'occasion de faire connaître notre objectif : donner accès aux grands romans via la bande dessinée. D’ailleurs, la personne d'Apple avec laquelle j’ai négocié n’avait jamais entendu parler de James Joyce…" Avec cette affaire, la bande-dessinée "Ulysses seen" s’est offerte à peu de frais une vaste campagne de publicité. Et le "Bloomsday" a certainement recruté de nouveaux amoureux de la plume du sulfureux James Joyce.