
Les 1 600 chefs afghans étaient réunis sous une grande tente à Kaboul, et écoutaient la présentation du plan de paix du président Hamid Karzaï, lorsqu'ils ont été interrompus par des tirs de roquettes. Les Taliban n’étaient pas conviés à la Loya Jirga, l'assemblée tribale, ils s’y sont invités.
Quelle vie pour les Taliban après les combats ?
Le 2 juin s’ouvre la Jirga (assemblée) nationale consultative de la paix à Kaboul. Pendant trois jours, 1 600 participants afghans sont consultés pour trouver un consensus national sur la question controversée de la réconciliation avec l’opposition armée. Les représentants doivent aussi parler d’une thématique parallèle, la réintégration : comment aider les anciens combattants qui déposent les armes à se réinsérer dans la vie civile?
Shukurullah soulève le foulard noir qu’il porte sur le haut du torse et découvre son bras droit, amputé juste sous l’épaule. "J’étais en pleine bataille, j’ai tiré avec un canon et il a explosé, explique-t-il d’une voix étonnamment détachée. Je suis resté deux mois à l’hôpital". Le jeune homme de trente ans à la carrure frêle, au teint hâlé, était Taliban. Il a déposé les armes au mois d’avril, après une année à combattre les soldats américains et afghans dans les montagnes de l’est du pays, à Kurengal, surnommée la "vallée de la peur " par les GI’s.
Shukurullah est allé trouver la Commission Indépendante pour la Paix et la Réconciliation, prêt à arrêter le combat mais inquiet. "Nos frères en colère ont peur que les forces étrangères ou le gouvernement les arrêtent ; ils n’ont pas confiance, explique Bashir Khan, numéro deux de la Commission à Jalalabad, la capitale de l’Est afghan. Notre rôle est de leur garantir une réintégration sans risques dans la société, pourvu qu’ils acceptent la Constitution et ne causent aucun problème".
La Commission créée par le chef du Sénat afghan en 2005 règle les disputes locales, obtient le soutien des autorités, mais leur travail s’arrête là. Elle n’a pas de moyens financiers, ne peut pas répondre à la principale demande des anciens combattants. "Le gouvernement ne me trouve pas de travail alors que j’ai un diplôme, remarque Shukurullah. Je trouverai bien quelque chose à faire, mais je n’ai pas un sou de côté pour lancer un petit commerce". Les pièces de la maison de Shukurullah sont vides, comme si personne n’y habitait, les vitres sont cassées, le toit est détruit par endroits. Pourtant toute sa famille y habite, dont ses cinq enfants.
Dans les bureaux de la Commission pour la Paix et la Réconciliation à Jalalabad, cinq anciens Taliban sont réunis autour d’un thé. Parmi eux, Mohibullah et Qari restent dubitatifs quant à l’efficacité de la réintégration. "Nos frères restés dans les montagnes attendent de voir comment la communauté internationale et le gouvernement afghan nous traitent, conclut Mohibullah. C’est un test pour eux". Mais pas uniquement : ils répondent aussi aux ordres. Les chefs Taliban ont encore déclaré au mois d’avril qu’ils ne participeraient à aucune négociation, tant que les forces étrangères n'auraient pas quitté l’Afghanistan.