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La base américaine d'Okinawa fait chuter le Premier ministre Hatoyama

Yukio Hatoyama a annoncé sa démission après seulement neuf mois passés à la tête du gouvernement. Sa décision de maintenir une base américaine sur l'île d'Okinawa et des scandales financiers ont eu raison de son ambition de "changer le Japon".

Neuf mois seulement après avoir remporté haut la main les élections législatives, le Premier ministre japonais, Yukio Hatoyama, jette l'éponge. Celui qui promettait de "changer le Japon", de "faire de la politique au service du peuple" nippon et de "rééquilibrer les relations avec Washington" a annoncé, mercredi matin, sa démission, les larmes aux yeux. Un acte politique qui pourrait presque passer inaperçu au Japon, tellement la population est habituée aux soubresauts politiques : Yukio Hatoyama est, en quatre ans, le quatrième chef de gouvernement à quitter volontaire son poste.

L'air grave, Yukio Hatoyama a reconnu que son incapacité à obtenir le retrait d'une base militaire américaine de l'île d'Okinawa était la principale cause de son départ. Premier chef de gouvernement de centre-gauche après plus de 50 ans de règne conservateur quasi ininterrompu, il est le premier à avoir pris à bras le corps le problème de ces bases. Mais sous la pression des États-Unis, Hatoyama a cédé et accepté, le 28 mai, un simple transfert de la base de Funtenma du sud de l'île vers la baie protégée de Henoko, plus au nord.

"C'était une promesse publique !"

"Beaucoup d'habitants d'Okinawa ont exprimé leur colère quand ils ont appris la démission d'Hatoyama, affirme Suzuyo Takazato, co-présidente du Réseau des citoyens d'Okinawa pour la paix et du mouvement Femmes d'Okinawa contre la violence militaire, jointe au téléphone par France24.com. Nous espérions qu'il attendrait un peu avant de prendre cette décision, qu'il reporterait l'accord signé avec Washington et qu'il chercherait des solutions pour que cette base ne soit plus située à Okinawa. C'était une promesse publique ! Il est tellement irresponsable."

Ces derniers mois, plusieurs manifestations ont été organisées dans l'île, pour protester contre cette base, située en pleine ville. Les habitants dénoncent des nuisances sonores et le mauvais comportement des Marines. Les représentants locaux et le Parlement départemental se sont également fortement mobilisés.

"Au delà des campagnes lyriques et généreuses, Yukio Hatoyama s'est rendu compte qu'il n'avait pas de marge de manœuvre, confirme Patrick Beillevaire, directeur de recherche au CNRS et ancien directeur du Centre du Japon à l'Ecole des Hautes études en sciences sociales (EHESS). Il ne pouvait rien faire à moins de renégocier complètement l'alliance du Japon avec les États-Unis."

Un grand rassemblement des représentants d'Okinawa est prévu jeudi soir à Tokyo. "Le mot d'ordre de ce rassemblement, c'est l'annulation de l'accord signé avec les États-Unis, explique Suzuyo Takazato. Nous allons continuer à travailler, à agir pour que les choses changent. Cela fait 65 ans que l'on a cette base militaire à Okinawa, ça suffit !"

Une dette énorme

Outre le fiasco d'Okinawa, les scandales financiers impliquant des collaborateurs de Yukio Hatoyama ont aussi poussé celui-ci à la démission. Il ne part d'ailleurs pas seul : Ichiro Ozawa, considéré comme l'éminence grise du Parti démocrate du Japon (PJD) et inquiété à plusieurs reprises par la justice pour des affaires de financements occultes, a été invité à quitter son poste.

Surnommé "l'extraterrestre" en raison de ses yeux globuleux, Yukio Hatoyama tire sa révérence à quelques semaines seulement des élections sénatoriales. L'actuel ministre des Finances, Naoto Kan, est pressenti pour lui succéder, d'abord à la tête du PJD puis au poste de Premier ministre.

Le prochain chef de gouvernement devra également s'attaquer au problème de la dette publique. La deuxième économie de la planète affiche une dette de près de 200 % de son produit intérieur brut (PIB), ce qui inquiète les observateurs. "Il y a une crise financière latente au Japon, une crise démographique, des problèmes de privatisation, etc., explique Patrick Beillevaire. Le Japon emprunte à un taux très bas et a toujours un appareil industriel très fort, mais tout cela peut vaciller."