
L'opposant islamiste soudanais a été arrêté et le journal de son parti fermé, dimanche. Un mois après la réélection controversée du président Omar el-Béchir, l'évènement a soulevé un tollé dans l'opposition.
AFP- L'opposant islamiste Hassan al-Tourabi a été arrêté dans la nuit de samedi à dimanche et son journal fermé, un mois après les élections controversées qui ont reconduit le président soudanais Omar el-Béchir, a-t-on appris auprès de proches et d'autres opposants.
"Vers minuit (21H00 GMT), un groupe d'officiers de la sécurité est arrivé dans trois voitures et a emmené Hassan al-Tourabi hors de chez lui", a indiqué à l'AFP son secrétaire, Awad Babakir.
Les autorités ont également saisi dimanche l'édition du journal de sa formation, le Parti du Congrès Populaire (PCP), occupé les locaux et fait évacuer la rédaction, a indiqué Kamal Omar, chef du bureau politique du parti.
Le rédacteur en chef du quotidien, Abouzer Ali Amin, a quant à lui indiqué par téléphone depuis le siège de la Sûreté avoir été interpellé samedi soir "sans qu'il me soit donné de raison".
Deux autres journalistes du journal, Achraf Abdel Aziz et Dahab Ibrahim, ont été arrêtés, selon des responsables du PCP.
Ces arrestations ont entraîné de vives réactions de l'opposition.
"Nous allons faire tout ce qui est légalement possible (.) Nous sommes prêts à nous sacrifier pour la liberté et pour le peuple du Soudan", a déclaré l'adjoint de M. Tourabi, Abdallah Hassan Ahmed, lors d'une conférence de presse.
Quelque 300 personnes ont manifesté devant le siège du PCP pour réclamer la libération des personnes arrêtées.
"Nous nous tiendrons ensemble pour chasser ce régime", a pour sa part déclaré Siddiq Youssouf, chef du parti communiste.
Une coalition de 17 partis, dont l'important parti Umma (nationaliste), a dénoncé une arrestation qui "va à l'encontre des libertés, de la transformation démocratique et de la Constitution".
Le Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM, ex-rebelles sudistes), membre de la coalition gouvernementale, a lui jugé l'arrestation de M. Tourabi "illégale".
"Après avoir volé les élections, le Parti du congrès national (au pouvoir) ne devrait pas voler les libertés. Cette arrestation montre sa faiblesse", a déclaré à l'AFP Yasser Arman, un haut responsable du SPLM et ex-candidat à la présidentielle.
Mentor du général Omar Hassan el-Béchir lors du coup d'Etat militaire de 1989, qui avait porté ce dernier au pouvoir, M. Tourabi est devenu l'un de ses adversaires les plus virulents après avoir été écarté en 1999.
Il avait notamment qualifié de "frauduleuses" les élections législatives, régionales et présidentielle -premier scrutin multipartite depuis 1986- qui se sont déroulées du 11 au 15 avril.
Ces élections ont reconduit au pouvoir le président Béchir par 68% des voix.
Hassan al-Tourabi n'était pas candidat de sa formation à la présidentielle, un rôle dévolu à Abdallah Deng Nial, un musulman originaire du Sud-Soudan, région en grande partie chrétienne.
La Fondation américaine Carter et la mission d'observation de l'Union européenne ont toutes deux affirmé que le scrutin n'avait pas répondu aux "normes internationales".
Hassan al-Tourabi a été emprisonné à plusieurs reprises par le passé. Sa dernière arrestation remonte à janvier 2009 après avoir affirmé à des médias internationaux que le président soudanais était "politiquement coupable" de crimes commis au Darfour.
A sa sortie de prison en mars 2009, il avait aussi estimé que l'homme fort du régime devait se rendre de son propre chef devant la Cour pénale internationale (CPI) qui siège à la Haye.
Un mandat d'arrêt a été lancé par la CPI contre Omar el-Béchir, accusé de crimes de guerre et contre l'humanité, pour son rôle présumé dans les violences au Darfour, région de l'ouest du Soudan en proie à la guerre civile depuis 2003.