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Affrontements meurtriers entre l'armée et les "chemises rouges" à Bangkok

La tension reste très forte dans le quartier de Rajprasong où les "chemises rouges" sont retranchées depuis la mi-mars. Depuis hier, des affrontements meurtriers s'y déroulent, l'armée cherchant à en reprendre le contrôle par la force.

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Affrontements meurtriers entre l'armée et les "chemises rouges" à Bangkok

Dix morts et 125 blessés sont à déplorer, ce vendredi, dans les nouveaux affrontements qui opposent manifestants antigouvernementaux et militaires depuis hier, à Bangkok. Jeudi, un manifestant avait déjà été tué et un général renégat, passé du côté des "chemises rouges", grièvement blessé par balle à la tête.

L'armée thaïlandaise a procédé à des tirs de gaz lacrymogènes tandis qu'elle se rapprochait d'un point de contrôle érigé par des dizaines de manifestants à Bangkok, rapporte un journaliste de Reuters sur place.

Les opposants antigouvernementaux ont pris position à l'extérieur d'un marché de nuit dans la capitale. L'avancée des militaires les a contraints à se replier vers leur campement dans le quartier commerçant qu'ils occupent depuis plusieurs semaines.

Des civils ont été vus en train de fuir la zone en courant, tandis que l'armée progressait en direction d'une avenue occupée par les "chemises rouges", ces manifestants qui réclament la chute du gouvernement.

L'armée avant annoncé auparavant qu'elle entendait reprendre par la force cette avenue. Elle a donc décidé de couper le courant électrique dans certains secteurs et de brouiller les services de téléphonie mobile.

Un général "rouge" gravement blessé

L'ex-Premier ministre thaïlandais en exil, Thaksin Shinawatra, a exhorté vendredi le gouvernement à retirer ses troupes et à reprendre les négociations avec ses partisans.

"Je pense qu'une solution politique est toujours possible pour la Thaïlande et le Premier ministre est en mesure d'éviter davantage de victimes et de sauver notre pays", a déclaré Thaksin dans un communiqué transmis par son conseiller juridique à Bangkok.

La capitale a désormais sombré dans un engrenage de violences, après dix jours au cours desquels les négociations avaient repris le dessus entre le Premier ministre Abhisit Vejjajiva et les leaders "rouges".

"Il y a environ 2.000 manifestants au bazar de nuit de Suan Lum. Ils ont tenté d'intimider les autorités avec des armes et les responsables de la sécurité ont demandé de les disperser", a indiqué le colonel Sunsern Kaewkumnerd, porte-parole militaire.

Un bus militaire a été incendié, a rapporté un journaliste de l'AFP. Des échanges de coups de feu nourris ont été entendus dans un parc.

Des heurts ont fait un mort et au moins onze blessés dans la soirée de jeudi, dont le général renégat pro-rouge, victime d'une attaque par balle.

Khattiya Sawasdipol, alias Seh Daeng, très populaire parmi les "rouges", n'avait pas caché qu'il refusait une sortie de crise pacifique. Il est considéré comme proche de Thaksin Shinawatra, ex-Premier ministre en exil renversé en 2006 par un putsch, et dont se réclament de nombreux manifestants.

"Ses chances de survie sont faibles", a déclaré vendredi le directeur de l'hôpital Vahira, Chaiwan Charoenchokethavee. Les autorités disent vouloir l'interpeller quand son état de santé le permettra.

"Ce qui lui est arrivé était totalement inattendu", a cependant assuré le colonel Dithaporn Sasasmit, porte-parole du commandement interne des opérations de sécurité (ISOC), démentant que le pouvoir avait décidé de se débarrasser de lui.

Annulation des élections anticipées

Dans la nuit, l'état d'urgence, décrété à Bangkok début avril, a été étendu à 15 autres provinces du Nord et du Nord-Est, bastion des "rouges".

La crise politique s'est brusquement crispée en début de semaine lorsque les "chemises rouges" ont exigé, avant de se disperser, l'inculpation du numéro deux du gouvernement, Suthep Thaugsuban, qu'ils jugent responsable des violences du 10 avril (25 morts, plus de 800 blessés).

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Thaïlande : Qui sont les "chemises rouges" ?  (14/05)
Affrontements meurtriers entre l'armée et les "chemises rouges" à Bangkok

Exaspéré de ne pas en finir avec le mouvement dont les leaders avaient pourtant indiqué il y a dix jours accepter son plan de sortie de crise, le chef du gouvernement a annulé les élections anticipées qu'il avait proposées pour novembre.

Peu après, l'armée annonçait qu'elle allait étrangler les "rouges" sur le plan logistique dans l'espoir de réduire au maximum le nombre de manifestants dans la zone.

"Le bouclage total a été mis en place depuis hier soir" (jeudi), a déclaré le porte-parole de l'armée, évoquant notamment la coupure de l'électricité dans le quartier. L'officier avait aussi prévenu que des tireurs embusqués seraient déployés et que les soldats auraient l'autorisation de tirer à balles réelles.

Officiellement, il ne s'agissait pourtant pas d'une dispersion par la force des manifestants, une opération très délicate dans ce quartier protégé par des barricades de bambous, de pneus et de barbelés tranchants, et dans lequel vivent des femmes et des enfants.

De nombreux blessés depuis le début des affrontements

La crise, la pire dans le royaume depuis 1992, a déjà fait 31 morts et près de 1.000 blessés depuis la mi-mars.

Les Etats-Unis ont fermé leur ambassade. "Nous somme très préoccupés, nous surveillons très attentivement" la situation, a déclaré le porte-parole du département d'Etat, Philip Crowley. Peu après, le Royaume-Uni a lui aussi annoncé qu'il fermait sa mission diplomatique.

Trois journalistes dont un reporter canadien de France 24, ont été blessés vendredi à Bangkok.