À un mois du Mondial-2010 en Afrique du Sud, les statistiques des ventes de billets affichent d'étonnantes disparités. La France et les Pays-Bas, notamment, n'ont pas été contaminés par la fièvre du foot. Les Anglo-Saxons, eux, répondent présent.
À un mois seulement de la Coupe du monde 2010 (11 juin au 11 juillet), les premières statistiques des ventes de billets en Europe sont tombées. Et si l’engouement des supporters britanniques et allemands s’est confirmé, toutes les sélections européennes ne sont pas parvenues à mobiliser leurs fans.
Alors que la Fifa tablait à l’origine sur un afflux de 450 000 touristes en Afrique du Sud pendant la compétition, les chiffres ont été considérablement revus à la baisse et avoisinent désormais les 350 000 visiteurs attendus.
Avec seulement 4 000 billets réservés pour la compétition, la France fait bien pâle figure. À titre de comparaison, l’Angleterre a déjà enregistré 97 000 demandes de réservation et l’Allemagne pointe en seconde position avec tout de même près de 40 000 requêtes. Si la défection des supporteurs français surprend, certains observateurs ne manquent déjà pas d’y trouver une corrélation avec les récents résultats des Bleus, plus qu’en dents de scie. Des chiffres que la Fédération française de football (FFF) n’a pas pris soin de commenter.
Orange pâle
En revanche, l’absence massive de supporteurs des Pays-Bas est beaucoup plus inattendue. Les fans de la sélection "oranje", qui se déplacent traditionnellement en grand nombre à chaque compétition internationale, ne seront pas du voyage en Afrique du Sud. À ce jour, moins de 3 000 billets ont trouvé acquéreur pour chacun des matchs de poules de l’équipe des Pays-Bas.
Une véritable surprise pour Fabien Ohl, sociologue du sport et professeur à l’université de Lausanne : "Il est très étonnant de voir qu’au total, moins de 10 000 billets ont été achetés par les supporteurs néerlandais. Et c’est d’autant plus difficile d’en tirer des conclusions, puisqu’avec un tel effectif, la sélection de Bert van Marwijk peut jouer les premiers rôles en Afrique du Sud." Portés par un Arjen Robben en grande forme, les Néerlandais se présentent effectivement avec un statut de sérieux prétendant au titre mondial.
Pour le sociologue, l’hypothèse d’une explication historique au phénomène est plus que plausible, même s’il reconnaît qu’une étude de plus grande ampleur serait nécessaire pour la confirmer : "La seule raison, à mon sens, qui pourrait justifier cette attitude, se trouve dans le passé colonial des Pays-Bas. Les relations particulièrement tendues entre la communauté afrikaner et les populations noires peuvent constituer une explication, d’autant que la situation a dégénéré récemment."
Au début du mois d’avril, l’assassinat d’Eugène Terre’Blanche, leader de l’extrême droite et grand partisan du rétablissement de l’apartheid, avait laissé craindre un regain de violence dans le pays. Une situation qui avait nécessité l’intervention de Joseph Blatter, le président de la Fifa, qui avait affirmé avoir "obtenu des assurances du gouvernement" sur la sécurité autour de l’événement.
Spéculation traditionnelle
Si les statistiques des ventes de billets en Europe affichent d’étonnantes disparités, d’autres chiffres suscitent l’interrogation. Contre toute attente, c’est la sélection américaine qui devrait bénéficier du soutien le plus massif pendant la compétition. Avec 110 000 réservations de billet actées, les supporteurs des "Boys" comptent bien faire office de 12e homme pour les États-Unis. L’Australie pourrait également bénéficier d’un appui massif, puisque 43 000 billets ont déjà trouvé preneur.
Pour Fabien Ohl, les chiffres annoncés sont révélateurs d’une tendance, même s’il estime qu’elle est amplifiée par une " tradition" toute anglo-saxonne : "Ces résultats sont très encourageants mais il ne faut pas oublier qu’en Angleterre, aux États-Unis et dans les autres pays anglophones, le sport est l’objet de nombreuses spéculations financières. Le marché des billets de seconde main est très actif et il est très probable que certains revendeurs aient parié sur la compétition pour en tirer une plus-value."
Ce phénomène "ticket brokers" ne devrait tout de même pas empêcher les groupes de supporters anglo-saxons de supplanter leurs concurrents, même continentaux. Côté africain, le Ghana revendique pour le moment 8 700 acheteurs, devant la Côte d’Ivoire et ses 6 000 acquéreurs. Un contingent famélique face au potentiel anglo-saxon qui s’explique par de nombreux facteurs, parmi lesquels les problèmes de réservations par Internet, les prix des billets trop élevés dans certains pays, et surtout les soucis liés au transport aérien.
"Pour se rendre en Afrique du Sud en venant de Kinshasa ou Lomé, il faut passer par Paris", déplorait en conférence de presse le secrétaire général de la Fifa Jérôme Valcke. Peu pratique et très onéreux...