
11 Février 2010, le Parlement européen a des allures de cérémonie des césars. La star du jour, c'est la députée européenne Jeannine Hennis-Plasschaert, rapporteuse et farouche opposante du texte de l'accord dit SWIFT conclu entre les Etats-Unis et l'Europe. Elle a convaincu les eurodéputés d'y mettre un terme.
Depuis le 11 Septembre 2001 les Etats-Unis traquent les cellules terroristes parfois au mépris du droit international. En juin 2006, un journaliste du New-York Times révèle que des millions de données privées d'européens sont transmises aux Américains grâce à la messagerie financière SWIFT qui gère les transmissions de plus de huit mille établissements bancaires, dont la Banque Centrale Européenne (BCE). Ces informations sont ensuite stockées et livrées au département du Trésor américain qui les communique éventuellement aux agences de renseignements dont la CIA et le FBI. Un véritable outil d'intelligence économique qui a provoqué les vives critiques des parlementaires. En urgence, la Commission européenne a donc du signer un accord de transfert d’informations avec Washington. Quelques années plus tard, cet accord a finalement été rejeté par Bruxelles à 398 voix contre 197.
Rien n'a convaincu les parlementaires. Ni les pressions américaines, ni même un rapport du juge Bruguière. En effet, l'ancien magistrat antiterroriste français a enquêté pour le compte de Bruxelles. Il expliquait dans son compte-rendu que les pratiques américaines étaient légales et nécessaires. Mieux, elles auraient permis d’obtenir des milliers d’informations sur des cellules terroristes en Europe. Le tout au conditionnel car son rapport a été classé confidentiel, donc inaccessible aux députés européens. Résultat : dans le cénacle européen, on considère que la menace terroriste n’est pas un motif suffisant pour justifier cette perquisition permanente et illégale.
La question est délicate. L'ambassadeur américain auprès de l'Union Européenne William Kennard reste silencieux tant que Washington n'a pas pris position sur le nouveau texte discuté avec Bruxelles. Les députés européens veulent plus de protection et de garanties pour leurs citoyens. Pas question de laisser la porte grande ouverte. SWIFT représente un accès névralgique au centre de la finance mondiale. Les Etats-Unis devront donc rassurer les élus européens que seule la lutte antiterroriste les motive pour jeter un œil sur les petits secrets bancaires des européens.
Fin mai la Commission proposera un protocole d’accord qu’elle devra faire voter par le Parlement avant septembre. Les Européens voudraient bien avoir le droit eux aussi de jeter un œil sur les données des citoyens américains, mais il est peu probable que Washington accepte qu’un Big Brother made in Europe surveille ses finances.... L’éternel combat de David contre Goliath.