La zone euro et le Fonds monétaire international (FMI) ont activé un plan d'aide sans précédent de 110 milliards d'euros pour porter secours à la Grèce. Décryptage d’une crise qui secoue l’Europe depuis plusieurs mois.
Après trois mois de valses-hésitations, les pays de la zone euro ont fini par activer un plan d’aide à la Grèce. L’enveloppe totale atteint 110 milliards d’euros, en considérant les 30 milliards d’euros apportés par le Fonds monétaire international (FMI). Un montant sans précédent.
Dès cette année, Athènes va percevoir 45 milliards d'euros de prêts. En contrepartie, le gouvernement s’est engagé à appliquer une drastique cure d’austérité sur les finances du pays. Retour sur une crise qui a débuté peu après la victoire du Parti socialiste du Premier ministre George Papandréou aux législatives.
Quel fut l’élément déclencheur de la crise grecque ?
En octobre 2009, le nouveau gouvernement grec revoit à la hausse la prévision de déficit public du pays pour l’année en cours, qui passe alors à 12,7 %, soit le double de ce qui était initialement prévu. La réaction des agences de notation ne se fait pas attendre. Elles baissent leur notation sur la capacité de la Grèce à rembourser ses dettes, dont le montant global s’élève à 300 milliards d’euros. Dès lors, le pays doit consentir à des taux d’intérêt bien plus élevés pour se financer sur les marchés du crédit.
Quand l’idée d’un plan d’aide est-elle évoquée pour la première fois ?
En février, les dirigeants européens s’engagent à prendre, si nécessaire, des mesures "déterminées" et "coordonnées" pour empêcher une faillite grecque et garantir la stabilité de l’euro. Mais il faut attendre le 15 mars pour que les ministres des Finances de la zone euro s’entendent sur les grandes lignes d’un plan d’aide sous forme de prêts bilatéraux, et encore le 11 avril pour que les choses se précisent enfin avec l'approbation d'un mécanisme d’aide massive. La Grèce demande l’activation d’un plan d’aide le 23 avril.
Pourquoi a-t-il fallu attendre si longtemps avant que le plan soit adopté ?
Même le chef de file des ministres des Finances de la zone euro, le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, a reconnu qu’il a "failli perdre patience en cours de route". En cause pour certains : l’Allemagne, dont la contribution au plan d’aide est la plus importante (avec 22 milliards d’euros sur trois ans). La chancelière allemande, Angela Merkel, il est vrai, savait cette aide impopulaire auprès de ses concitoyens. Or une élection régionale cruciale a lieu le 9 mai dans le pays. Outre les réticences allemandes, il a fallu également du temps pour négocier les termes de l’accord, qui s’est soldé par le recours au FMI et, pour Athènes, par un sévère plan d’austérité.
Que prévoit le plan d’aide ?
Le plan met 110 milliards d'euros à disposition de la Grèce sur trois ans. Les Etats de la zone euro contribuent à hauteur de 80 milliards d'euros, dont 30 milliards d'euros au cours de l’année 2010, à un taux moyen de 5 %. De son côté, le FMI doit participer à hauteur de 30 milliards d'euros. La Grèce obtient un délai supplémentaire de deux ans pour revenir dans les clous du pacte de stabilité (déficit inférieur à 3 % du PIB), soit jusqu'en 2014. L'accord comprend en outre des objectifs trimestriels fixés par le FMI et qui seront vérifiés. La Grèce encourt des sanctions en cas de non-respect de ses obligations.
Les banques vont-elles y participer au plan d’aide ?
Une contribution des banques est à l’étude. Les ministres des Finances de la zone euro vont examiner les possibilités de "contributions volontaires" des banques de leurs pays respectifs. Outre des prêts, aux conditions similaires que celles prévues par leur plan de sauvetage, des engagements d'achats de dette souveraine grecque sont évoqués pour permettre de réduire la volatilité des marchés.
A quoi va servir cette aide ?
La Grèce devrait pouvoir continuer à rembourser ses créanciers. La prochaine échéance importante est le 19 mai, où elle doit ainsi rembourser près de 9 milliards d'euros d'obligations. Une partie du programme - 10 milliards d'euros - sera mobilisable via un fonds de stabilisation financière s'il est besoin de pallier les problèmes de financement des banques grecques sur les marchés.
Que contient le plan d’austérité adopté par la Grèce en contrepartie de l’aide internationale ?
Les fonctionnaires sont les premiers visés par ce plan qui prévoit de supprimer les 13e et 14e mois de salaire dans la fonction publique. Les retraités se voient aussi ôter deux mois de pension sur 14. Une prime annuelle de 1 000 euros est prévue en compensation pour les fonctionnaires gagnant moins de 3 000 euros brut par mois. Les retraités touchant une pension de moins de 2 500 euros bénéficieront d'une prime de 800 euros. Les fonctionnaires avaient déjà vu leurs 13e et 14e mois réduits de 30 % lors des précédentes mesures d’austérité. Une réduction des dépenses de fonctionnement de l’Etat est en outre programmée à hauteur de 1 milliard d’euros. Les investissements publics doivent aussi être réduits.
Quelles mesures concernent plus particulièrement le secteur privé ?
Parmi les mesures annoncées figurent aussi une hausse de la TVA, qui passera de 21 % à 23 %, et une augmentation de 10 % des taxes sur les carburants, l'alcool et le tabac. Concernant les retraites, l'âge minimum est relevé à 60 ans. Et d’ici 2015, il faudra 40 annuités (contre 37 actuellement) pour toucher une pension complète. Le 13e mois est préservé dans le secteur privé mais, en contrepartie, une plus grande flexibilité du travail est imposée. La législation interdisant les sociétés de licencier plus de 2 % de leur personnel chaque mois, pourrait ainsi être revue.
Que va rapporter ce plan d’austérité ?
La Grèce entend économiser 30 milliards d'euros et permettre ainsi de ramener le déficit budgétaire à 8,1 % du PIB en 2010, à 7,6 % en 2011, à 6,5 % en 2012, à 4,9 % en 2013 et enfin à 2,6 % en 2014. Le retour à la croissance (1,1 %) n'est pas prévu avant 2012.
Quelles réactions ce plan a-t-il suscitées en Grèce ?
Le Premier ministre, Georges Papandréou, s'est employé à souligner que le pays n'avait pas d'alternative. Une "grande épreuve" attend le pays et les Grecs, qui vont "subir de grands sacrifices", a-t-il lancé, mais ne rien faire aurait signifié "la faillite". La grande centrale syndicale de la fonction publique grecque (Adedy) a de son côté immédiatement appelé à "faire barrage" aux mesures "antisociales" annoncées par le gouvernement. Le plan de rigueur se traduira, d'après elle, par "une baisse des revenus des fonctionnaires et des retraités allant jusqu'à 35 %". L’ensemble des syndicats a appelé à une grève nationale le 5 mai. Une première en Grèce.