La Cour de justice de la République a condamné le sénateur Charles Pasqua a un an de prison avec sursis. L'ancien ministre français de l'Intérieur a été reconnu coupable d'abus de biens sociaux et de complicité de recel dans l'affaire Sofremi.
AFP - Les proclamations d'innocence de Charles Pasqua ont partiellement convaincu la Cour de justice de la République qui a condamné vendredi l'ancien ministre de l'Intérieur à un an de prison avec sursis dans une seule affaire de malversations et l'a relaxé dans deux autres.
La Cour de justice de la République est une juridiction d’exception créée en 1993, suite au scandale du sang contaminé et la multiplication des affaires liées à la politique. Elle n’est compétente que pour des infractions commises par des ministres durant l’exercice de leurs fonctions. Elle compte quinze juges : trois magistrats de la Cour de cassation et douze parlementaires – six députés et six sénateurs – élus par leurs pairs.
La défense du sénateur UMP de 83 ans n'a pas caché sa satisfaction à l'énoncé du verdict. M. Pasqua est uniquement condamné pour les détournements de fonds au préjudice de la Sofremi, société d'exportation de matériel de police dépendant du ministère.
Ce dossier lui valait d'être poursuivi pour complicité d'abus de biens sociaux et de recel. Ses avocats n'excluent pas un pourvoi en cassation.
Les quinze juges de la CJR l'ont en revanche blanchi des accusations de "corruption passive" dans le volet ministériel de l'affaire du casino d'Annemasse. M. Pasqua était soupçonné d'avoir accordé une autorisation d'exploitation à l'établissement de jeux en échange d'un financement politique ultérieur.
La CJR - seule compétente à juger des ministres pour des infractions commises dans le cadre de leurs fonctions - l'a également lavé des soupçons de complicité d'abus de biens sociaux concernant le pot-de-vin extorqué au groupe GEC-Alsthom en contrepartie du déménagement d'une de ses filiales. Charles Pasqua était accusé d'en être l'instigateur.
Tous ces faits étaient survenus alors qu'il était membre du gouvernement d'Edouard Balladur (1993-1995).
Reconnu coupable, M. Pasqua était passible d'une peine de dix ans de prison. Jeudi, l'avocat général Yves Charpenel avait réclamé quatre ans de prison, dont deux ans ferme, 200.000 euros d'amende et une interdiction de ses droits électifs.
Le vieux lion politique, qui a toujours clamé son innocence dans l'ensemble des dossiers, semblait donc plutôt soulagé. Il a notamment échappé à la perspective de perdre son mandat de sénateur.
"C'est peut-être une condamnation avec sursis - nous verrons ce que nous en ferons - mais c'est aussi deux relaxes de plus", s'est-il réjoui à la sortie de l'audience.
Se proclamant "toujours aussi résolu et aussi combatif", il s'en est pris une nouvelle fois à une "instruction construite à charge, de manière partiale".
"Les gens qui, comme moi, se sont battus, ce n'est pas pour qu'une partie de l'instruction et des policiers se comportent comme dans un Etat totalitaire, c'est inacceptable", a-t-il tonné.
La thèse d'une enquête déloyale conduite pour "abattre" l'élu a toujours été soutenue par sa défense et plaidée tout au long des quinze jours d'audience devant la CJR.
Pour expliquer les malversations constatées au sein de son ministère, M. Pasqua avait mis en cause son entourage, estimant avoir été trahi par ses collaborateurs de l'époque.
Il avait bénéficié au procès du soutien inattendu d'un nombre important de témoins, beaucoup moins certains de l'implication du ministre qu'ils ne l'avaient été durant l'instruction.
M. Pasqua a une autre raison de se réjouir. Le tribunal a prononcé la confusion de sa peine avec la seule condamnation définitive à son casier : 18 mois de prison avec sursis pour le volet non ministériel de l'affaire du casino d'Annemasse déjà jugé devant une juridiction de droit commun.
Une condamnation que l'ancien ministre envisage désormais de contester en demandant la révision de ce jugement, en raison de la décision de la CJR qui constitue "un élément nouveau".
M. Pasqua a également été condamné en octobre 2009 dans l'affaire de l'Angolagate à trois ans de prison, dont un an ferme et une amende de 100.000 euros. Il a fait appel.