Portraitiste de rue et photographe humaniste, Henri Cartier-Bresson a posé son regard sur le XXe siècle. Avec "The Modern Century", le Musée d’art moderne de New York offre une rétrospective de l'œuvre de ce pionnier du photojournalisme.
Une scène de rue dans le Shanghaï des années 1940 côtoie un pique-nique sur les bords de Loire en 1938. Au dernier étage du MoMA, les pièces majeures d’Henri Cartier-Bresson en jouxtent d'autres moins connues du public.
Pour cette première rétrospective depuis la mort du photographe français en 2004, à l’âge de 95 ans, le musée de New York expose plus de 300 photographies prises entre 1929 et 1989 ainsi que plusieurs films. Le MoMA a choisi de mettre l’accent sur les décennies les plus productives de Cartier-Bresson, allant de 1930 à 1960.
L’exposition commence par des tirages du début des années 1930. Le jeune HCB a une vingtaine d’années et immortalise quelques scènes de rue comme "Derrière la gare Saint-Lazare, Paris (1932)". Un peu plus loin dans l'exposition, une autre salle se polarise sur l’après-Seconde Guerre mondiale et les transformations sociales et politiques en Asie, où il a travaillé de 1947 à 1950. C’est le début de la longue carrière en photojournalisme d’HCB.
Les autres salles de l’exposition sont organisées par thématiques. Allant des débuts de l’industrie moderne aux banquiers de New York, en passant par des images prises à la sauvette en URSS - où il est le premier photographe étranger à être admis –, l’exposition retranscrit la matière humaine vue par Cartier-Bresson.
Peter Galassi, conservateur de la photographie au MoMA, revient sur la démarche du musée pour france24.com..
Pourquoi le MoMA a-t-il décidé d'organiser cette rétrospective ?
Peter Galassi : La dernière grande rétrospective à New York date de 1979, il y a plus de 30 ans. C’est important pour nous que les jeunes générations puissent connaître le travail des maîtres comme Henri Cartier-Bresson. Et la mort du photographe en 2004 coïncidait avec l’ouverture de la Fondation Henri Cartier-Bresson à Paris qui nous a permis aujourd’hui de retracer sa carrière dans sa diversité. Au moins une pièce sur cinq de l’exposition est parfaitement inconnue du public.
Comment avez-vous pensé cette exposition ?
P. G. : Nous nous sommes donnés comme objectif de proposer au visiteur de faire un tour cohérent dans l’intégralité de la carrière de HCB plutôt que de mettre en avant une période ou un courant seulement. L’exposition est construite pour accentuer l’étendue de son travail. Si ce visionnaire a longtemps été connu pour ses photos prises à travers le monde, son travail est tout aussi remarquable pour la fresque historique qu’il constitue. Le photographe a dressé un constat en images des changements de mode de vie, depuis l'avant-révolution industrielle jusqu’à notre ère moderne, faite d’évolutions technologiques incessantes et de consumérisme omniprésent. C’est pour cela que l’exposition s’appelle "The Modern Century".
Comment définiriez-vous le style HCB ?
P. G. : Au début des années 1930, il a apporté à la photographie la clarté graphique du cubisme, puis les thèmes du surréalisme en créant des images pleines de surprises et de mystères. Après la Seconde Guerre mondiale, il a utilisé son même talent pour prendre des photos d’une perfection inhabituelle. Une poignée de personnages, délimités par le cadre de la photo, suffisent pour appréhender sa vision du monde. Puis, dans les années 1960, quand HCB s’est attaqué au chaos de la modernité, il a développé un style plus complexe. C’est pour faire le tour de cette grande évolution que cette rétrospective a lieu.
"Henri Cartier-Bresson: The Modern Century" est présenté à New York jusqu'au 28 juin, avant d'être exposé à Chicago à partir de juillet, à San Francisco à partir d'octobre puis à Atlanta à partir de février 2011.