Au sommet sur la sécurité nucléaire où sont réunis, à Washington, les dirigeants de 47 pays, le Pakistan est au cœur des débats, comme l’explique Marcin Zaborowski, expert sur les questions nucléaires.
Au menu du sommet de Washington réunissant les dirigeants de 47 pays : la non-prolifération nucléaire. Une rencontre-test pour l’hôte de l’événement, le président américain Barack Obama. Il a appelé à la définition d'une procédure de sécurisation du matériel nucléaire, afin d'éviter de le voir tomber entre les mains d'une organisation terroriste comme Al-Qaïda.
Parmi les grands absents, l'Iran et la Corée du Nord - qui n'ont pas été conviés - ainsi que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou. La présence des dirigeants indiens et pakistanais permet toutefois d’espérer des progrès dans le dossier pakistanais, alors que le pays a la réputation d'être un mauvais élève en matière de non-prolifération.
À l'instar de l'Inde, d'Israël et de la Corée du Nord, le Pakistan ne fait pas partie des signataires du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) de 1970. Et l'Iran et la Corée du Nord sont accusés d'avoir profité des fuites de matériel d'Abdul Qadeer Khan, père de la bombe atomique pakistanaise et héros national.
Marcin Zaborowski, de l'Institut européen des études de sécurité de Paris, présente les enjeux de ce sommet pour les deux voisins et ennemis nucléaires que sont l'Inde et le Pakistan.
Quel est l'objectif de l'Inde lors de ce sommet sur la sécurité nucléaire ?
Marcin Zaborowski : L'Inde a exprimé ouvertement son inquiétude de voir du matériel nucléaire tomber entre les mains de terroristes. Si le pays n’a pas peur du gouvernement pakistanais, il doute toutefois de ses capacités à contrôler son matériel.
New Dehli a développé en secret ses armes et machines nucléaires, ce qui lui a valu d'être mise au ban du cercle officiel des pays dotés de la puissance nucléaire pendant de nombreuses années. Mais aujourd'hui, la page est tournée : depuis qu'elle a signé un accord de coopération nucléaire avec l'administration Bush, l’Inde n'est plus considérée comme un État paria [Les deux pays ont conclu en 2008 un traité de coopération sur le nucléaire civil, ndlr].
De son côté, le Pakistan aimerait obtenir le même genre d'accord, mais je ne pense pas qu'il y parviendra. Le pays, aussi vaste qu'instable, ne présente pas les mêmes caractéristiques que son voisin. Le gouvernement ne maîtrise pas complètement ses forces armées, qui elles-mêmes ne contrôlent pas vraiment les services de renseignement. C'est pourquoi New Delhi attend de ce sommet une sécurisation du matériel nucléaire pakistanais.
Quel est le point de vue du Pakistan ?
M. Z. : Il y a deux poids, deux mesures, se plaint le Pakistan. Si l’Inde et le Pakistan n’ont pas signé le Traité de non-prolifération, l'Inde a eu droit à un accord avec Washington. "Vous l’avez fait pour l’Inde, pourquoi pas pour nous ?", s'interrogent les Pakistanais, qui aimeraient être considérés et traités sur un pied d’égalité.
Certains gestes en faveur d’une coopération pour l’avenir ou les prémices d’un partenariat pourraient améliorer l’image des Etats-Unis et de l’Occident aux yeux des Pakistanais. Mais tout doit commencer avec les États-Unis. À l’époque de l’accord entre l’Inde et les États-Unis, l’Europe s’était montrée très critique mais depuis, les Européens signent aussi des accords avec les Indiens.
Qu’est-ce que les Etats-Unis peuvent attendre du Pakistan lors de ce sommet ?
M. Z. : Que le Pakistan accepte que ses installations nucléaires soient soumises à des contrôles internationaux. Tout dépendra de ce qu’on leur proposera en échange.
L’idéal serait la mise sur pied d’un deuxième Traité de non-prolifération nucléaire, un nouveau régime qui inclurait l'Inde et le Pakistan. Le nouveau traité aurait aussi de nouveaux objectifs, comme diminuer le stock d’armes nucléaires et les sécuriser pour s’assurer qu’elles ne tombent pas entre les mains de terroristes potentiels.
Le Pakistan est considéré comme particulièrement vulnérable : ce serait donc une grande victoire pour l’administration Obama. Et un succès dans le dossier pakistanais lui apporterait le soutien du Congrès américain à son nouveau Traité de réduction des armes stratégiques [le 8 avril 2010, Barack Obama et le président Dmitri Medvedev ont signé un nouvel accord Start historique, ndlr]. Mais ce nouveau traité doit encore être ratifié par la Douma russe et le Congrès américain.