
Depuis plusieurs décennies, le système des retraites par répartition est dans le collimateur des Français. Des réformes ont été menées mais sans jamais réussir à trouver la formule parfaite pour assurer la pérennité du régime.
"Dossier explosif", "sujet passionnel" : la presse n’a pas de mots assez forts pour évoquer le chantier de la réforme des retraites alors que débute ce lundi les discussions au ministère du Travail avec les partenaires sociaux. Il faut dire qu’en France, depuis l’instauration du système par répartition dans les années 1940, le sujet n’en finit pas de crisper les relations sociales…
Les fondements du système actuel remontent à 1941. Le régime de Vichy substitue alors à la retraite par capitalisation (chacun épargne pour ses vieux jours), en vigueur depuis 1910, un régime par répartition (la population active paie les retraités par le biais de prélèvements sociaux sur les salaires). La Sécurité sociale, fondée le 4 octobre 1945, entérine ce principe et fixe l'âge légal de départ à la retraite à 65 ans.
A partir de ce moment-là, les tenants du régime par capitalisation vont régulièrement revenir à la charge avec le même argument depuis les années 1950 : l’augmentation de l’espérance de vie met en péril le financement des retraites. Le gouvernement évoque en 1953 un possible allongement de l’âge de départ à la retraite (alors fixé à 65 ans) à cause justement de l’évolution démographique. Ce projet de réforme suscite alors un massif mouvement de grève qui le fait capoter.
Mais le boom économique relègue la question de la réforme des retraites au second plan jusqu’aux deux crises pétrolières, en 1974 et 1979. Elle revient sur le devant de la scène lors de l’alternance en 1981. Le président socialiste François Mitterrand impose comme l’une des mesures-phares de son premier mandat l’abaissement de l’âge de la retraite de 65 à 60 ans. Il ne touche pas pour autant au nombre de semestres de cotisation qu’il faut avoir accumulés et qui était passé au début des années 1970 de 120 à 150. Cette réforme était censée créer un appel d’air pour l’emploi grâce à des départs en pré-retraites.
La réforme Balladur, en plein mois d'août
Les années 1990 et le début des années 2000 connaîtront un véritable délire textuel dans le domaine. Le Parti socialiste, sous la plume de l’ancien Premier ministre Michel Rocard, est le premier à dégainer avec un carnet blanc sur les retraites en 1991. Il prévoit le maintien du principe de répartition mais propose un allongement de la durée de cotisation. Une idée reprise en 1993 par Edouard Balladur, alors Premier ministre. Sa réforme, adoptée en plein mois d’août, fait passer, entre autre, la durée de cotisation de 37,5 ans à 40 ans dans le secteur privé. Alain Juppé tente en 1995 d’étendre le dispositif à la fonction publique mais doit renoncer après de fortes manifestations.
Entre 1993 et 1999, cinq rapports tenteront de définir ce que devrait être un système de retraite "viable" pour la France. Tous préconisent une dose de capitalisation dans le régime par répartition. En 1999, l’État instaure lui-même le premier fond de pension souverain pour les retraites baptisé Fonds de réserve pour les retraites.
La loi Fillon passe malgré la grogne
La surenchère de dossiers culmine en janvier 2000 avec la remise de 3 rapports parlementaires (Teulade, Taddei et Balligand-de Foucauld). François Fillon, alors ministre des Affaires sociales dans le gouvernement Raffarin, doit à son tour affronter en 2003 une forte vague de manifestations. Sa réforme – qui instaure un passage progressif pour tous à 42 ans de cotisation – met près de 2 millions de personnes dans la rue. Le texte final est adopté après six mois de tension et est immédiatement critiqué comme n’étant pas suffisant pour régler le problème du financement du régime des retraites.
En 2007, peu après l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy, la droite réussit à faire accepter à la fonction publique d’allonger également la durée de cotisation à 40 ans. Le symbole est fort : Sarkozy réussit là ou l’un de ses meilleurs ennemis, Alain Juppé, a échoué… Reste maintenant l’échéance de 2010, censée être la grande réforme de la seconde partie du mandat.