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Le juge Garzon sur le banc des accusés pour avoir enquêté sur le franquisme

Le juge Baltasar Garzon, adulé en Espagne pour avoir traqué l'ex-dictateur chilien Pinochet, est accusé par des organisations d'extrême droite d'avoir monté un "artifice juridique" pour enquêter sur les disparus du franquisme et de la guerre civile.

AFP - Adulé pour avoir traqué l'ex-dictateur chilien Augusto Pinochet, le célèbre juge espagnol Baltasar Garzon sera jugé en Espagne pour avoir voulu fouiller l'encombrant passé du franquisme.

Un juge du Tribunal suprême espagnol, saisi de plaintes d'organisations d'extrême-droite, a décidé d'asseoir le juge vedette espagnol sur le banc des accusés pour "prévarication", a-t-on appris mercredi de source judiciaire.

Cette décision du juge Luciano Varela devrait entraîner à court terme la suspension de Baltasar Garzon de ses fonctions de juge de l'Audience nationale, haute instance pénale qui centralise à Madrid les dossiers de terrorisme, de crimes contre l'humanité et de criminalité organisée.

La législation espagnole prévoit en effet la suspension temporaire de leurs fonctions des juges faisant l'objet d'un renvoi devant un tribunal pour des délits présumés commis dans l'exercice de leur fonction.

Le juge Garzon, 54 ans, est accusé d'avoir monté un "artifice juridique" pour ouvrir une enquête sur les disparus de la guerre civile (1936-39) et du franquisme (1939-75), en ignorant une loi d'amnistie générale votée en 1977 par le parlement espagnol, deux ans après la mort du dictateur Francisco Franco.

Il s'était heurté à un mur et avait dû renoncer à cette enquête fin 2008, face à l'opposition catégorique du parquet.

Le juge Varela avait refusé début février de classer sans suite les plaintes contre Garzon, estimant qu'il avait "ignoré consciemment" la loi d'amnistie qui l'empêchait de se déclarer compétent pour son enquête.

Dans une décision qui devait être officiellement notifiée mercredi aux parties, ce magistrat a rejeté les demandes de M. Garzon, qui souhaitait que soient consultés des juristes espagnols et internationaux sur le bien-fondé de son enquête.

Les plaignants ont un délai de dix jours pour présenter leurs écrits d'accusation qui déclencheront le processus d'ouverture du procès devant une formation collégiale de juges du Tribunal suprême.

L'avocat du juge Garzon, interrogé par l'édition en ligne du quotidien El Pais, a annoncé qu'il ferait appel de la décision du juge Varela. El Pais souligne toutefois que le Tribunal suprême a jusqu'à présent toujours rejeté ce type d'appel.

Plus de 200 organisations de défense des droits de l'Homme et des juristes du monde entier, dont l'ex-procureur du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) Carla del Ponte, ont récemment signé une lettre de soutien au juge Garzon.

Ils ont rappelé que le Comité des droits de l'Homme de l'ONU avait demandé en 2008 à l'Espagne d'abroger sa loi d'amnistie post-franquiste et de "garantir le caractère imprescriptible des crimes de lèse-humanité".

Les "disparitions forcées" sur lesquelles portait l'enquête de M. Garzon sont des crimes "qui ne peuvent être prescrits ni amnistiés", estimaient-ils.

Pionnier et ardent défenseur de la "justice universelle", le juge Garzon avait accédé à la célébrité mondiale en obtenant l'arrestation de l'ex-dictateur chilien Augusto Pinochet en 1998 à Londres.

Ce magistrat atypique, à la chevelure poivre et sel et aux costumes impeccables, a acculé pendant plus de 20 ans l'organisation indépendantiste basque armée ETA.

Son goût pour les projecteurs et ses enquêtes lui ont valu de nombreuses inimitiés, tant au sein de la magistrature que de la classe politique.

Il est visé par des plaintes dans deux autres dossiers: l'un visant les honoraires qu'il a perçus pour des conférences aux Etats-Unis en 2005-2006, l'autre pour sa supposée "impartialité" dans l'enquête qu'il a initiée sur le scandale de corruption qui éclabousse actuellement la droite espagnole.