En 1940, l’Union soviétique de Joseph Staline ordonne l’exécution de 22 000 officiers polonais. Ce massacre a longtemps été tabou en URSS et a porté une ombre sur les relations entre la Russie et la Pologne.
La Russie a mis longtemps à assumer le massacre de Katyn. Ce n’est qu’en 1990, 50 ans après les faits, que Mikhaïl Gorbatchev a reconnu la responsabilité de l’Union soviétique dans l’exécution d’au moins 22 000 officiers polonais, le 5 mars 1940 dans une forêt près de la ville de Smolensk, à 400 kilomètres à l’ouest de Moscou.
Au cours des décennies qui ont précédé ces aveux, et malgré plusieurs rapports d’enquête accablants pour l’Union soviétique, le Kremlin s’est acharné à accuser l’Allemagne nazie de ces quelque 22 000 exécutions, considérées comme l’un des crimes de guerre les plus graves du XXe siècle.
Le pacte germano-soviétique
Le massacre est perpétré dans une période trouble de l’histoire soviétique, alors que l’Europe est en guerre. L’Allemagne nazie et l’Union soviétique sont alors liées par le pacte germano-soviétique qui prévoit, en plus d’un accord de non-agression, le partage des territoires séparant l’Allemagne de l’URSS.
En 1939, au moment de l’invasion de la Pologne par l’Armée rouge, Staline donne l’ordre d’empêcher les officiers polonais de rejoindre les alliés sur le front de l’Ouest. Des dizaines de haut-gradés polonais sont fait prisonniers et sont envoyés vers l’URSS. Leurs propres familles - femmes, enfants, frères, sœurs, parents – sont déportées en Sibérie et au Kazakhstan, toujours sur ordre de Staline. Selon l’historienne Alexandra Viatteau, auteure de "Katyn. La vérité sur un crime de guerre" (Broché, 2009), 1,7 million de civils ont été déportés. La grande majorité est morte.
Trois charniers
En mars 1940, Staline donne l’ordre à la police politique d’éliminer les quelque 22 000 gradés polonais emprisonnés, des "ennemis de classe" pour le leader soviétique. Entre avril et mai, la police stalinienne organise des convois, direction Katyn. Tous les jours pendant un mois, les prisonniers, mains liées derrière le dos, sont exécutés d’une balle dans la nuque, et jeté dans des fosses communes. Devant l’ampleur de la tâche, Moscou livre une pelleteuse mécanique.
Le "massacre de Katyn" désigne en fait trois lieux d’exécutions différents loin de plusieurs centaines de kilomètres : dans la forêt de Katyn, à quelque kilomètres de Smolensk, mais également à Kharkov et à Kalinine (la ville se nomme aujourd’hui Tver).
Le charnier de Katyn est découvert en 1943, lorsque l’armée allemande envahi l’URSS après la rupture du pacte germano-soviétique. Les soldats de la Wehrmacht y découvrent des milliers de corps d’officiers polonais entassés dans des fosses communes.
Russes et Polonais n’exhument les charniers de Kharkov et Kalinine que dans les années 1990, après l’ouverture des archives soviétiques par Boris Eltsine en 1992. Mais en 2004, Vladimir Poutine fait archiver l’enquête sur Katyn, ouverte après la chute du bloc soviétique en 1989. Le tabou retombe sur les 22 000 exécutions sommaires de 1940. Avant de revenir sur le devant de la scène de façon inopinée grâce à la visite du même Poutine.