Le cinéaste, qui a consacré un film au massacre de 22 000 officiers polonais à Katyn, en avril 1940, estime que la cérémonie d’hommage russo-polonaise de ce mercredi constitue une réelle avancée en direction de la vérité historique.
Ce rendez-vous de l’Histoire, Andrzej Wajda ne voulait pas le manquer. Le cinéaste polonais assiste ce mercredi à l’hommage rendu conjointement par les Premiers ministres russe et polonais, Vladimir Poutine et Donal Tusk, aux victimes du massacre de Katyn, en avril 1940. Il confie à France 24 placer "un très grand espoir" en cette cérémonie. "Pour autant que je connaisse le monde de la politique, je pense que cette rencontre n’aurait pas lieu si elle ne devait pas avoir de conséquences, dit-il. Je m’attends à des pas en direction de l’explication et de la réconciliation."
Pour Andrzej Wajda, ce crime, "toujours vivant dans la société polonaise" 70 ans après les faits, le restera tant qu’il "ne sera pas reconnu comme un crime de guerre, donc imprescriptible". "Il ne s’agit pas seulement du fait que l’on ait assassiné 22 000 officiers polonais, poursuit-il. On a assassiné 22 000 intellectuels polonais et ils continuent toujours à exister dans nos maisons, dans nos cœurs, dans notre mémoire. Ils ont été assassinés pour ouvrir la route au système soviétique en Pologne, car tout système totalitaire, s’il veut exister, doit éliminer les intellectuels. Aussi bien Hitler que Staline se sont comportés de la sorte avec les intellectuels polonais."
Un obstacle à la réconciliation entre la Pologne et la Russie
Et de rappeler le long chemin de l’espérance. "En 2000, il y a eu un début d’enquête, nous espérions alors que l’affaire de Katyn serait explicitée, raconte Andrzej Wajda. Mais en 2004, l’enquête a été malheureusement suspendue. Il a été déclaré à Moscou que le crime de Katyn était un crime ordinaire, donc prescrit. Ainsi, ce fait tellement douloureux pour les Polonais reste toujours comme un obstacle à la réconciliation entre la Pologne et la Russie."
Le cinéaste a consacré un long métrage à ces purges staliniennes du printemps 1940. Sorti sur les écrans en 2007, "Katyn" entend montrer "la vérité dans ce qu’elle a de plus brutal ainsi que des protagonistes qui ne sont pas seulement les officiers assassinés mais les femmes qui les attendent, jour après jour, heure après heure, dans un doute atroce", explique t-il dans une note d’intention publiée sur le site officiel du film.
Un progrès sur le chemin de la vérité
Si Andrzej Wajda met en scène ce drame à la fois collectif et intime, c’est que sa famille elle-même y a été confrontée. "Mon père n’a pas été assassiné à Katyn, précise t-il à France 24. Mon père a été assassiné dans les caves du NKVD [la police secrète du régime soviétique, NDLR] à Kharkov, et enterré dans le cimetière de cette ville."
"Katyn" a, pour la première fois, été diffusé à la télévision publique russe Koultoura, vendredi soir, à quelques jours de la cérémonie russo-polonaise. "Le public russe connaît cette affaire mais, malheureusement, selon l’interprétation affirmant qu'il s'agit d'un crime allemand, rappelle Andrzej Wajda. Il ne faut pas oublier que pendant des années, l’Union soviétique diffusait cette version du crime de Katyn, et que celle-ci a été maintenue jusqu’en 1989, jusqu’au moment où la Pologne a recouvré la liberté." Pour le quotidien officiel "Rossiiskaïa Gazeta", cette retransmission télévisée montre ainsi "un progrès considérable de la société (russe) sur le chemin de la restauration de la vérité historique".