Le parti de l'imam radical chiite Moqtada Sadr organise un référendum populaire non officiel pour choisir le futur Premier ministre irakien aujourd'hui et demain. Objectif non avoué : faire barrage au chef du gouvernement sortant, son ennemi juré.
Fort de son statut de premier mouvement religieux chiite d'Irak, le parti de Moqtada Sadr entend influer sur le choix du prochain Premier ministre en organisant un référendum "populaire" mais surtout faire barrage à son ennemi juré, l'actuel chef du gouvernement Nouri al-Maliki.
Les membres et les sympathisants du mouvement, mais aussi tout Irakien qui le souhaite, pourront se prononcer à travers le pays vendredi et samedi sur cinq noms de candidats au poste tant convoité.
Les sadristes pourraient devenir les faiseurs de roi dans les négociations sur la formation du prochain gouvernement. Ils ont obtenu à eux seuls 40 sièges des 70 recueillis par l'alliance de partis religieux chiites à laquelle ils se sont associés au scrutin du 7 mars. Le Parlement compte au total 325 sièges.
"Des centaines de centres de vote ont été ouverts dans toutes les provinces du pays, à l'exception du Kurdistan, pour le référendum (géré) par 3.500 volontaires", a affirmé à l'AFP Hossam al-Moumine, l'un des organisateurs.
Selon des journalistes de l'AFP sur place, des membres du parti parcouraient également les rues de Bagdad avec des urnes et demandaient aux passants et résidents de se prononcer.
Faire pression sur les partis politiques
Figurent sur la liste Nouri al-Maliki, Iyad Allawi, le candidat laïque arrivé en tête des élections, l'ancien Premier ministre Ibrahim al-Jaafari, l'actuel vice-Président chiite Adel Abdel Mehdi ainsi que Jaafar Mohammed Baqer Sadr, le fils de Mohammed Baqer Sadr, un ayatollah assassiné en 1980.
"La situation politique est compliquée et Sayyid Moqtada Sadr a toujours dit que le meilleur conseiller est le peuple irakien (...) Le Sayyid ne peut pas dire qu'il veut un tel ou un autre comme Premier ministre", explique Hazem al-Araji, un des dirigeants du mouvement.
Le dirigeant nie la volonté des Sadristes de vouloir organiser des élections-bis. "Les Irakiens ont choisi leurs députés et non pas leur Premier ministre", dit-il dans son bureau du quartier chiite de Kazamiya, à deux pas du mausolée de l'imam chiite vénéré Moussa Kazem.
"Les partis politiques sont au coude à coude et ont tous un candidat pour le poste (...) Ceci empêche la formation rapide du gouvernement", poursuit Ahmed Khalaf, un des trois membres du comité organisateur du référendum.
Selon Ahmed Fadel, professeur de sciences politiques à l'université de Bagdad, Moqtada Sadr veut faire pression sur les négociations avec les autres partis, en particulier sur la liste de l'Etat de droit (AED) de M. Maliki qu'il ne souhaite pas voir rempiler pour quatre nouvelles années.
"Avec ce référendum, le courant sadriste a bien joué son coup pour faire pression sur les autres partis politiques", juge-t-il.
"Je pense que les négociations avec l'Etat de droit sont dans l'impasse et les sadristes veulent pousser, grâce au soutien populaire, en faveur d'une personne autre que Nouri al-Maliki", ajoute-il.
"Taut sauf Maliki"
Pour les Sadristes, l'équation se résume à "Tout sauf Maliki", à qui ils vouent une inimitié profonde, proche de la haine, en raison d'une offensive contre l'Armée du Mahdi, le bras armée du mouvement, en 2008 pour mettre fin au chaos des milices armées.
"Nous n'avons de ligne rouge pour personne, la preuve est que le nom de Maliki figure sur les bulletins", dit Ahmed Khalaf pour la forme.
Mais, ajoute-t-il immédiatement: "Nous avons souffert de M. Maliki. Il a agi comme Saddam et pire même que Saddam vis-à-vis du courant sadriste. Il nous a emprisonné par centaines, nous a bombardé avec ses avions, il nous a expulsé des cercles du pouvoir".
Avec ce référendum, le mouvement de Moqtada Sadr souhaite aussi transformer l'essai des élections, synonyme pour lui de succès grâce à une campagne menée d'une main de maître.
En imposant une forte discipline dans ses rangs, autrefois désunis, les sadristes ont réussi à remporter environ 40 sièges (32 dans la précédente assemblée), écrasant leurs alliés chiites du Conseil suprême islamique en Irak (CSII) d'Ammar al-Hakim qui ont moitié moins d'élus.
Le premier scrutin législatif de l'après Saddam en 2005 "nous a permis d'étudier nos forces et nos faiblesses. Nous en avons conclu qu'il fallait s'étendre sur le terrain que nous avons divisé en secteurs" où les candidats n'ont cessé de donner des consignes de vote, dit M. Khalaf.
Mais la principale force du courant sadriste est venue des mosquées. "Nous sommes un courant religieux et la chaire des mosquées le vendredi est notre outil de communication", dit-il, avant d'ajouter: "Nous avons réussi à convaincre les gens que le courant sadriste est un mouvement populaire (...) et salvateur".