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Au lendemain de la présentation d’un projet de loi qui durcit les conditions de séjour en France, la police a évacué un immeuble, dans le VIe à Paris, occupé par des travailleurs sans-papiers en grève qui exigent leur régularisation.

Les CRS ont débarqué rue du Regard au petit matin. Manu militari, ils ont vidé un immeuble de cette adresse chic du VIe arrondissement de Paris, occupé depuis quatre mois par 250 travailleurs clandestins qui réclament leur régularisation. Les sans-papiers n’ont pas été surpris : depuis janvier, plusieurs décisions de justice avaient ordonné l’évacuation des lieux.

L’opération intervient à point nommé ; la veille, le ministre de l’Immigration, Eric Besson, a présenté en conseil des ministres un projet de loi visant à modifier le code d’entrée et de séjour des étrangers. "Les étrangers sans titre de séjour qui demandent leur régularisation en occupant de manière illégale des locaux publics ou privés continueront à être évacués comme ils l'ont été ce matin encore", a déclaré le ministre jeudi, lors d’une conférence de presse, niant cependant avoir piloté l’opération d’évacuation.

Ni le projet de loi ni l’opération musclée de jeudi matin ne décourage les grévistes. "Ce bâtiment, c’est notre sixième lieu occupé", explique Kondiouria Konate, délégué du piquet de grève de la rue du Regard. "Si on ne manifeste pas ici, peu importe ! On ira ailleurs." L’homme vient du Mali. Il est arrivé en France il y a quatre ans, fuyant "des ennuis" liés à son activité syndicale dans une mine d’or malienne.

"Je n’ai jamais travaillé au noir. J’ai toujours signé des contrats de travail, payé mes impôts, mes cotisations, mais je n’ai jamais eu le droit à la sécurité sociale et je vis dans la peur d’être expulsé à tout moment", fulmine Kondiouria, s’interrompant pour calmer l’un de ses camarades, excédé par le cordon de CRS qui ceinture le groupe devant une bouche de métro.

La régularisation, une mission presque impossible

Le 24 novembre, le ministère de l’Immigration a fixé, dans une circulaire, les critères de régularisation des sans-papiers. Ces derniers doivent attester de cinq années de présence en France, d’une année d’ancienneté dans une seule et même entreprise et d’une promesse d’embauche de plus d’un an dans un secteur en manque de main d’œuvre.

Une mission presque impossible, selon Kondiouria. "Ici, nous travaillons quasiment tous dans le bâtiment. Dans ce secteur, nous n’avons que des petits contrats, le temps d’un chantier ou d’une mission", explique-t-il. "Et puis sans papiers… C’est compliqué de décrocher des contrats longs", poursuit-il.

Le projet de loi d’Eric Besson risque de considérablement compliquer leur vie, et de rendre inapte la circulaire du 24 novembre. Dans son texte, le ministre de l’Immigration propose notamment de durcir les sanctions à l’encontre des "personnes qui recourent sciemment, directement ou indirectement à l’emploi d’étrangers sans titre de séjour".

"Promettre la régularisation à tout étranger sans titre de séjour exploité par une entreprise française ce serait encourager les filières clandestines à poursuivre leur triste et sordide commerce", a indiqué Éric Besson.

Si le texte est voté, les employeurs de sans-papiers seront passibles de sanctions administratives et pénales : la fermeture temporaire de leur entreprise, paiement à l’État des frais d’expulsion et le remboursement des aides publiques perçues l’année précédent l’infraction.