Deux ans après les violences post-électorales qui ont secoué le Kenya, la Cour pénale internationale (CPI) a donné son feu vert au lancement de poursuites contre leurs auteurs présumés. Simultanément, des personnes soupçonnées de détenir des informations sur l'implication de certains ministres ont disparu. D'autres sont quotidiennement menacées.
Samuel vit dans la peur d’être assassiné. Sa vie est devenue celle d’un animal traqué depuis le jour où il a décidé de témoigner. Il a assisté à des réunions où d’importantes personnalités politiques distribuaient des armes aux milices, lançaient des appels à la haine. Il accepte de nous parler à visage découvert, car son seul espoir désormais c’est que la justice soit rendue.
"Tous, nous étions obliges d’y aller. J’ai vu deux bébés, je pense âgés d’un an à peine se faire découper par ces hommes. Je les ai vus. C’était terrible. J’ai vu cela, j’ai vu ces choses se passer et je connais ces gens. Et j’ai une liste d’au moins soixante personnes", déclare-t-il.
Depuis deux ans, les témoins, mais aussi les défenseurs des droits de l’homme sont menacés. Il y a quelques semaines, alors qu’il arrivait à son bureau, Wainaina Ndungu, directeur exécutif du centre international sur la politique et les conflits a constaté que des personnes s’étaient introduites dans les locaux de son ONG pour dérober des ordinateurs… "Cela ne m’a pas pris plus d’une seconde pour voir qu’on avait volé les ordinateurs", dit-il. Pour lui, il ne s’agit pas un vol ordinaire. "Nous avons été les principaux initiateurs des poursuites contre les responsables des violences post électorales. Jusque là, nous ne pouvons pas dire qui a fait cela, mais en regardant ce qu’ils ont emporté, nous sommes certains que l’intention principale de ces gens étaient de récupérer des informations".
Wainaina reçoit régulièrement des appels de personnes terrorisées qui ont dû s’enfuir de leur village. C’est le cas de cet homme, qui il y a quelques mois a frôlé la mort. Après avoir témoigné devant une commission d’enquête kenyane, il a été dénoncé par des membres de sa communauté qui ont voulu le tuer. Il a réussi à s’échapper et vit depuis caché et la peur au ventre. "J’ai vraiment très peur pour ma vie. Je ne reçois aucune aide, aucune protection, rien. Je vis séparé de ma femme et de mes enfants. Aucune communication, rien. Je vis chez des amis ou des bons samaritains ici très loin de ma maison".
Sans témoins pas d’enquête, ni de poursuites. Or, pour beaucoup de Kenyans, la fin de l’impunité est la seule voie possible pour empêcher que les violences de 2008 ne se répètent lors des élections de 2012.