Le parquet de Nanterre a fait appel de la relaxe prononcée en faveur d'Antoine Zacharias, qui était poursuivi pour rémunération abusive lorsqu'il était à la tête de Vinci. Il s'agissait du premier procès pénal intenté à un patron du CAC 40.
REUTERS - Le premier procès pénal intenté à un patron d’une entreprise du CAC 40 pour rémunération abusive a échoué vendredi en France, le tribunal prononçant une relaxe-éclair contre l’avis du parquet.
L’affaire jugée à Nanterre (Hauts-de-Seine) et qui visait pour « abus de biens sociaux » Antoine Zacharias, 70 ans, ex-PDG du géant des travaux publics Vinci, ne fera donc pas jurisprudence, les juges renvoyant le dossier des salaires des grands patrons au législateur et au monde économique.
« Le tribunal rappelle que les juges ne sont que ‘la bouche de la loi’, selon Montesquieu. Le juge pénal n’est pas le juge de la gouvernance des entreprises », peut-on lire dans le jugement, rendu après quelques heures de délibéré seulement.
Il renvoie les entreprises à leur « responsabilité financière et morale », même si le parquet a fait appel de la relaxe. Un second procès devrait avoir lieu dans les 12 prochains mois.
Le procureur avait demandé une peine de deux ans de prison avec sursis et 375.000 euros d’amende contre Antoine Zacharias, estimant qu’il avait obtenu son argent par un « abus de pouvoir » en faisant changer les membres d’un comité de rémunération.
Le procureur Marie-Aimée Gaspari a estimé que ce dossier devait servir d’exemple, notamment parce qu’il contrevenait selon elle aux « règles de bonne conduite » édictées par le Medef.
« Au nom de la réussite, tout n’est pas permis, tout ne se justifie pas », avait-elle dit, se posant en défenseur de « l’ordre public économique ».
Etaient en cause l’augmentation du salaire annuel d’Antoine Zacharias, de 2,9 à 4,2 millions entre 2003 et 2005, un « parachute doré » de 12,8 millions d’euros touché en 2006, une « retraite-chapeau » de 2,1 millions d’euros annuelle et près de deux millions de stock-options.
Pour celles-ci, la plus-value potentielle était de 124 millions d’euros en 2006, mais Antoine Zacharias n’en a conservé qu’une petite partie, après un autre procès perdu contre Vinci.
UN ABUS DE POUVOIR ?
Le parquet se fondait sur les méthodes utilisées pour obtenir les avantages. « C’est un délit d’abus de biens sociaux assis sur un abus de pouvoir », avait estimé le procureur.
Pour écarter des personnalités hostiles, Antoine Zacharias avait selon la magistrate suscité la nomination comme président du comité des rémunérations de Vinci du Britannique Quentin Davies, aujourd’hui secrétaire d’Etat britannique à la Défense, pour obtenir l’approbation des sommes litigieuses.
Le tribunal estime qu’aucune preuve de cette thèse n’est apportée, critiquant dans son jugement le parquet qui n’a pas souhaité faire entendre Quentin Davies durant l’enquête conduite sans juge d’instruction entre 2007 et 2009.
Le tribunal déplore aussi qu’aucun témoin n’ait été cité par le procureur à l’audience pour étayer l’accusation contre Antoine Zacharias, regrettant notamment l’absence de son principal accusateur, Alain Minc, administrateur de Vinci.
Au demeurant, rappelle le jugement, ce dernier a voté les salaires et avantages qu’il prétend reprocher à Antoine Zacharias dans son audition par la police versée au dossier.
Le jugement souligne que Vinci, partie civile, ne réclamait pas à son ex-dirigeant le remboursement des sommes visées, et que son avocat avait même déclaré qu’elles avaient été accordées dans la « transparence » à son ex-dirigeant.
Finalement, le tribunal estime que le parquet a fait une erreur de droit en ne visant pas, pour caractériser les abus de biens sociaux, le montant éventuellement excessif des sommes mais seulement des méthodes de gestion.
Dans sa plaidoirie de défense, Me Hervé Temime avait fait remarquer que l’ex-PDG de Vinci, simple ingénieur monté en grade, était crédité du quadruplement du résultat net de sa société de 2000 à 2006 et de l’explosion de sa valeur boursière.
« Zacharias est un faux puissant, n’a pas de protection, de réseaux. Ce ne sont jamais aux vrais puissants, aux énarques, à l’establishment, qui perçoit des rémunérations insensées et fait perdre de l’argent aux entreprises, qu’on demande des comptes », avait-il dit.