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Les armées occidentales commencent à lâcher la bride de leurs soldats, de plus en plus nombreux à recevoir l'autorisation d'utiliser les réseaux sociaux. Malgré les réticences, la révolution Web 2.0 semble bien engagée dans les casernes.

L’armée est-elle soluble dans Facebook, Twitter et les autres médias sociaux ? Entre ouverture au monde 2.0 et contrôle de l’information, quel choix faut-il privilégier ? L’actualité récente montre que les autorités militaires rechignent à laisser leurs soldats libres de communiquer avec le reste du monde, tout en donnant l'impression de se résigner à l’inéluctable.

Au royaume des couacs, l’armée israélienne multiplie les mauvaises expériences. Ainsi, une opération que Tsahal devait mener en Cisjordanie a brutalement été annulée le 3 mars, après que l'un de ses soldats a mis à jour son statut Facebook avec ce commentaire : "Mercredi, on va nettoyer Qatana [près de Ramallah, NDLR], et jeudi, si Dieu le veut, on rentre à la maison". L'indiscrétion a valu à son auteur une mise à pied assortie d'une condamnation à dix jours de prison, le commandement ayant estimé qu’il avait compromis la sécurité de l’opération.

Ahmadinejad n’est pas "votre ami"

L'événement n'a rien d'une première. En 2008 déjà, un soldat de l'armée de l'État hébreu avait écopé de 18 jours de prison pour avoir divulgué, sur Facebook là encore, une photo d’une installation militaire israélienne. Et, en 2009, Tsahal a recensé une douzaine d’incidents de ce genre, au total.

Au début du mois de mars, les Forces de défense israéliennes (IDF) ont donc décidé de lancer une campagne de sensibilisation aux dangers des médias sociaux avec une affiche qui rappelle que le président iranien Mahmoud Ahmadinejad n’est pas "votre ami" sur Facebook.

Si en Israël, les soldats - qui, souvent, ne sont pas des professionnels - peuvent utiliser Twitter & co, aux États-Unis, le contrôle était jusqu’à présent beaucoup plus strict, quoiqu’un peu brouillon. Mais, le 25 février, le Département américain de la défense (fichier .pdf) a lâché une petite bombe, destinée à harmoniser les usages en vigueur au sein de l'institution : ses boys sont désormais autorisés à utiliser les réseaux sociaux pour rester en contact avec leur famille.

 Schizophrénie

Plus haut gradé de l’armée américaine, le général Georges W. Casey Jr. a expliqué que cette nouvelle politique était "inévitable" et pouvait permettre d'améliorer le moral des troupes à l’étranger. Les autorités se sont aussi rendu compte qu’il s’agissait d’un incroyable moyen de communication : le fil twitter du chef d'état-major interarmée Mike Mullen compte ainsi plus de 17 000 abonnés...

L’US Army attendait depuis quelques années déjà qu'on lui donne une directive en la matière, car elle souffrait d’une certaine schizophrénie. Une étude réalisée en 2007 démontre en effet que, à l'époque, chaque service de la grande muette donnait des consignes différentes à ce propos. Ainsi l’US Air Force encourageait l’utilisation de Twitter et de Facebook, expliquant que "chaque pilote est un communicant", tandis qu’il était formellement interdit à un Marine de se connecter à un média social, de peur qu’il divulgue une information sensible. Quant au département de la Défense, il accordait l’accès à certains réseaux sociaux, mais pas à d’autres…

En France, l’armée reste très discrète sur la question. Tout juste le ministère de la Défense a-t-il reconnu sur le site informatique 01Net que les militaires pouvaient utiliser les médias sociaux "à des fins personnelles" et que tous les contrôles possibles et imaginables ne pouvaient pas mettre l'institution à l’abri d’une "faute commise par l'un de [ses] personnels".

En effet, même dans les armées les plus strictes, les fuites semblent inévitables. Une récente expérience du ministère britannique de la Défense en témoigne. Le 25 janvier dernier, celui-ci a été contraint de reconnaître que 16 documents sensibles s’étaient retrouvés dans la nature via Twitter et "d'autres réseaux sociaux", alors que les ordinateurs qui équipent ses locaux ne permettent pas d’y avoir accès...