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L'Assemblée approuve un accord historique entre catholiques et protestants

Sans surprise, l'Assemblée régionale d'Irlande du Nord a adopté le transfert des pouvoirs de police et de justice de Londres vers Belfast. Un vote qui constitue l'une des dernières étapes-clés du processus de paix.

Arraché au début de février après deux semaines de négociations extrêmement intenses entre catholiques et protestants, l'accord sur le transfert des pouvoirs de police et de justice de Londres à Belfast a été entériné, ce mardi après-midi, par un vote à l'assemblée d'Irlande du Nord.

Cette question constituait l'un des derniers obstacles à l'application complète de l’accord du Vendredi saint, qui a mis fin, le 10 avril 1998, à 30 ans de violences intercommunautaires qui ont coûté la vie à plus de 3 500 personnes. Le transfert de ces nouveaux pouvoirs sera effectif le 12 avril.

Si les catholiques nationalistes du Sinn Fein et les loyalistes protestants du Parti unioniste démocratique (DUP) dirigent ensemble le gouvernement régional depuis 2007 et assument de nombreuses prérogatives dans des domaines comme l'éducation ou la santé, police et justice étaient jusqu’à présent restées sous la supervision de Londres.

"C'est véritablement un tournant dans le processus politique, dans la mesure où la police et la justice sont des pouvoirs hautement symboliques, explique à France24.com Pierre Joannon, spécialiste de l'Irlande. Ces pouvoirs sont désormais dans les mains d'une institution bi-communautaire, alors que les gens se sont affrontés le fusil à la main pendant 30 ans."

"Le Sinn Fein, avec l'Armée républicaine irlandaise (IRA), a combattu les forces de police, poursuit Pierre Joannon. Il a fallu attendre 2007 pour que ses représentants reconnaissent le nouveau service de police d'Irlande du Nord, qui compte en son sein des catholiques nationalistes. La pilule a été dure à avaler. Les unionistes en revanche, qui traditionnellement avaient la haute main sur les services de police, ont vu d'un mauvais œil qu'ils soient maintenant gérés de façon bi-communautaire. Des unionistes d'extrême droite n'ont d'ailleurs pas hésité à faire de la propagande sur le thème ‘la police est en partie entre les mains de ceux qui nous tiraient dessus dans les années 1970-1980."

L'assemblée devra également désigner le nouveau ministre de la Justice. "Il ne sera vraisemblablement ni membre du DUP, ni membre du Sein Fein, mais d'un autre parti représenté au sein de l'Assemblée pour bien montrer que ce n'est pas un processus partisan", estime Pierre Joannon.

Bush sort de sa réserve, Clinton fait pression

Le Parti unioniste d'Ulster (UUP) avait annoncé qu'il s'opposerait au vote. Mais cela n'a pas empêché l'accord d'être adopté par l'Assemblée d'Irlande du Nord, où le parti unioniste démocratique et le Sinn Fein sont majoritaires.

Preuve de l'importance de ce vote, l'ancien président américain George W. Bush est sorti de sa réserve et, dans une rare intervention, a essayé de persuader l'UUP de ne pas s'opposer au vote. Il a appelé le leader de l'opposition britannique, David Cameron, dont le parti conservateur a passé un pacte électoral avec l'UUP. "Le conseil de l'ancien président américain était le bienvenu, mais il n'aura pas d'influence sur la position de l'UUP", indique à France24.com Sir Reg Empey, chef de file du parti.

La secrétaire d'État américaine, Hillary Clinton, est elle aussi intervenue, en contactant Sir Reg Empey mais aussi les Premier ministre et vice-Premier ministre d'Irlande du Nord, Peter Robinson (DUP) et Martin McGuinness (Sinn Fein).

"Ces pressions pour tenter de nous forcer la main n'ont servi qu'à galvaniser l'UPP, déclare à France24.com le numéro deux du parti, Danny Kennedy. Nous voulons que les pouvoirs de police et de justice soient exercés au plan local. Cependant, les bonnes conditions doivent être réunies. Il faut d'abord que l'Assemblée régionale puisse fonctionner correctement avant de lui attribuer des pouvoirs encore plus litigieux."

"Depuis Jimmy Carter, et surtout depuis Bill Clinton, qui s'est particulièrement investi, tous les présidents américains se sont impliqués dans le processus de paix en Irlande du Nord, assure de son côté Pierre Joannon. Il y a 42 millions de Nord-Irlandais aux États-Unis, qui font pression sur le gouvernement. Les négociations qui ont abouti à l'accord de paix de 1998 étaient même présidées par George Mitchell, l’actuel émissaire américain pour le Proche-Orient !"

"Le processus politique a des hauts et des bas, c'est normal, poursuit-il. La méfiance est toujours là ; il y aura encore des soubresauts et des accrochages épisodiques. Mais l'important, c'est qu'ils ont lieu au sein de l'Assemblée, et non plus dans la rue avec des armes. La tendance est à la cohabitation et à une crise apaisée. La machine ne repart pas dans le mauvais sens."