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Le prince qui voulait devenir député

Le prince héritier de la couronne d'Irak, Chérif Ali Hussein, brigue un siège de député sur la liste conservatrice chiite aux élections législatives du 7 mars. En attendant d'accéder un jour au trône...

Il n’a pas renoncé au trône, vacant depuis un demi-siècle en Irak. Mais en attendant, Chérif Ali Hussein brigue plus modestement un siège de député lors des élections législatives du 7 mars, les deuxièmes depuis la chute de Saddam Hussein, en 2003.

Sunnite marié à une chiite, ce descendant du monarque Chérif Hussein Ali de La Mecque et cousin de Fayçal II, dernier roi d’Irak, est inscrit sur la liste chiite conservatrice de l’Alliance nationale irakienne (ANI), qui rassemble le Conseil supérieur islamique d’Irak et le mouvement du chef radical Moqtada Sadr.

Déçu par les propositions d’alliance avancées par les listes sunnites, il s’est naturellement tourné vers les chiites pour le scrutin. "Les listes sunnites nous ont proposé des alliances uniquement pour les élections et, avec l’Alliance de l’Etat de droit, j’ai eu le sentiment que leur seul objectif était de maintenir Nouri al-Maliki à son poste" de Premier ministre, se justifie-t-il à l’AFP.

Son choix révèle sa volonté de dépasser les clivages confessionnels, sources de tant de tensions en Irak. "Nous travaillons pour dresser une liste qui rassemblerait les différents courants politiques, ainsi que les diverses ethnies du peuple irakien. Nous souhaitons une liste qui ne soit pas dominée par telle ou telle doctrine", continue-t-il.

Onzième sur la liste de l’ANI à Bagdad, le prince a de fortes chances de décrocher un siège à l'issue du scrutin proportionnel par gouvernorat, qui a d'ores et déjà attribué 70 sièges à Bagdad. Au risque de s’écarter pour quelques temps de ses visées royales. 

"Je suis convaincu que le retour de la monarchie peut être le remède aux maux de l’Irak, c’est toujours mon ambition mais le contexte ne le permet pas", explique l'héritier de la couronne.

Un rêve de couronne illusoire

Pourtant, il y a encore six ans, son accession au trône ne faisait pour lui aucun doute. "Le peuple [irakien] choisira de restaurer la monarchie et je serai son roi", lançait Chérif Ali Hussein, à une journaliste du "Sunday Telegraph" en 2002.

Rentré à Bagdad en 2003 après la chute de Saddam Hussein, ce riche homme d’affaires de 54 ans n’avait pas mis les pieds en Irak depuis ses 2 ans, quand il a quitté d’urgence le pays, sous le bras de sa mère, après la révolution du 14 juillet 1958 qui mit fin, dans le sang, à la monarchie.

Exilé au Royaume-Uni où il entame une carrière dans la banque, Chérif Ali crée en 1992 le Mouvement monarchique constitutionnel. Pour lui, le retour à la monarchie se justifie par 40 ans d’échec de la République irakienne. Sa théorie ne soulève pas les foules.

"Ce sont des foutaises. C'est absolument folklorique, le retour à la monarchie est absolument impensable, s'esclaffe Hosham Saoud, anthropologue au CNRS et spécialiste de l'Irak. Les Irakiens vont voter sans grande joie, mais ils attendent un changement réel. Alors que reste-t-il pour un descendant du roi ? Pas grande chose !"

En 2003, les Américains avaient refusé de l’associer au Conseil de gouvernement et son parti n'a récolté aucun siège aux législatives de 2005. Sa présence sur les listes électorales du 7 mars reste néanmoins un signe de la vitalité de la démocratie irakienne.

"Il fait partie de la diversité irakienne. Le fait que des gens comme lui puissent se présenter aux élections, sans ostracisme, est un bon signe. Si Moïse est revenu après 40 ans dans le Sinaï, la monarchie ne sortira pas de 50 ans de désert !" conclut Hosham Daoud.