
Accueilli en héros à son retour en Égypte le 19 février, Mohamed El-Baradei a annoncé mardi la création d’une "Coalition nationale pour le changement". Une démarche qui confirme un peu plus les ambitions présidentielles de l'ancien patron de l'AIEA.
Le retour en Égypte de Mohamed El-Baradei, ancien chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), n’est pas passé inaperçu. Acclamé par plus d’un millier de sympathisants à l’aéroport du Caire le 19 février, il souffle depuis un vent nouveau sur la scène politique du pays.
À peine rentré après 12 ans passés à l’étranger, le prix Nobel de la paix (2005) a réuni mardi à son domicile une trentaine d’intellectuels et de responsables politiques issus de plusieurs partis de l’opposition. La création d’une "Coalition nationale pour le changement" a été annoncée. Elle réclame des élections libres ainsi que des amendements constitutionnels. L’ancien diplomate s’est dit prêt à accueillir "tous les citoyens égyptiens, les partis politiques et les organisations de la société civile" intéressés par son projet.
Des objectifs qui semblent confirmer l’ambition présidentielle affichée en pointillé depuis quelques mois par Mohamed El-Baradei. "Je suis prêt à me lancer dans la vie politique égyptienne, à condition qu'il y ait des élections libres et le premier pas dans cette direction est un amendement de la Constitution afin que je puisse me porter candidat [à la présidentielle en 2011] et que d'autres puissent faire de même", a-t-il expliqué peu après son retour à la chaîne privée Dream.
Verrous constitutionnels
Le régime mène campagne depuis quelques mois contre Mohamed El-Baradei à travers ses médias pour décrédibiliser le personnage, car son engagement dérange le président Hosni Moubarak, qui dirige le pays depuis 1981. Le raïs serait en effet tenté de léguer le pouvoir à son fils Gamal. "Une éventuelle candidature d'El-Baradei pourrait cependant arranger le pouvoir, car elle légitimiserait l’élection, sans pour autant menacer son résultat final", analyse pour sa part Chaymaa Hassabo, doctorante spécialiste en politique égyptienne.
Cependant, "les chances d’El-Baradei de présenter sa candidature sont minimes face aux nombreux verrous constitutionnels, créés à l’origine pour barrer la route à tout candidat jugé indésirable par le régime", affirme Said Allawandi, politologue égyptien basé au Caire. En effet, l’article 76 stipule qu’un candidat indépendant ne peut se présenter sans obtenir l’aval de 250 élus, ce qui paraît improbable sachant que le Parlement et les municipalités sont dominés par le parti au pouvoir, le Parti national démocratique (PND). La seule issue pour lui serait d’intégrer rapidement un parti politique, légal depuis au moins cinq ans, pour se présenter en son nom. Une option écartée pour l’instant par Mohamed El-Baradei.
Popularité virtuelle
L’engouement suscité par le retour du prix Nobel reflète "la crise politique importante en Égypte où l’on cherche désespérément une alternative crédible et propre, comme El-Baradei, susceptible de concurrencer le pouvoir " explique Chaymaa Hassabo. Même s’il est plus connu sur la scène internationale que dans son pays, son profil plaît.
Sur Facebook, sa popularité explose. En effet, plus d’une cinquantaine de groupes de soutien y ont fait leur apparition. L’un d’entre eux, "Elbaradei for Presidency of Egypt_ 2011", compte plus de 115 000 membres. Reste à savoir si cette popularité virtuelle pourra servir, le moment venu, les intérêts et la stratégie de l’ex-patron de l’AIEA.