La Cour de cassation a annulé mercredi la relaxe de cinq anciens détenus de Guantanamo, qui devront être rejugés par la Cour d'appel de Paris pour "association de malfaiteurs à visée terroriste".
AFP - Cinq anciens détenus de Guantanamo, qui pensaient en avoir fini avec la justice après leur relaxe il y a un an, vont devoir être rejugés par la cour d'appel de Paris pour association de malfaiteurs à visée terroriste, en vertu d'une décision rendue mercredi par la Cour de cassation.
"C'est une très grande déception", réagissait l'avocat de deux des prévenus, Me Emmanuel Piwnica, sans pouvoir expliquer un tel revirement, les motivations de l'arrêt n'étant pas disponibles pour l'instant.
La première condamnation des cinq hommes remonte à la fin 2007. Le 19 décembre, le tribunal correctionnel de Paris les avait jugés coupables d'avoir rejoint entre 2000 et 2001 l'Afghanistan avec des visées jihadistes.
Pour ces actions "terroristes", le tribunal avait condamné Brahim Yadel à cinq ans d'emprisonnement, dont quatre avec sursis, et Mourad Benchellali, Nizar Sassi, Khaled Ben Mustapha et Redouane Khalid à quatre ans de prison, dont trois avec sursis.
Les cinq condamnés, qui étaient alors libres compte tenu de la détention provisoire déjà effectuée, avaient fait appel. Ayant retrouvé du travail, ils n'avaient pas assisté à leur second procès.
Finalement, le 24 février 2009, la cour d'appel de Paris avait infirmé le jugement de première instance au motif que la procédure d'enquête avait été irrégulière.
Alors que l'administration Obama annonçait la fermeture prochaine du camp de Guantanamo, la défense s'était réjouie d'une décision "courageuse". De son côté, le ministère public, mécontent, s'était pourvu en cassation.
"Une page sinistre de l'histoire judiciaire française"
C'est en 2001 que les cinq individus avaient été arrêtés par les forces américaines puis emprisonnés entre 2002 et 2004 à Guantanamo à Cuba avant d'être transférés en France, d'y être mis en examen et de passer jusqu'à deux ans en détention provisoire.
A Guantanamo, ils avaient été interrogés à trois reprises par les services de renseignement français. Mais les comptes rendus classés secrets des interrogatoires n'ont été versés au dossier qu'après un supplément d'information demandé par les juges de première instance en 2007.
Au procès en appel, alors que le ministère public n'avait vu dans les auditions qu'une mission "administrative" de "renseignements", la défense avait dénoncé la "déloyauté" de la procédure qui "ne figurait pas au dossier, en violation caractérisée des droits" des prévenus.
La cour d'appel avait retenu l'argument, estimant que les services français avaient mené, sans mandat, un travail de police judiciaire. Dans la foulée, elle avait prononcé la relaxe des cinq prévenus.
En toute logique, lors de l'audience du 3 février devant la chambre criminelle de la Cour de cassation, l'avocat général Robert Finielz avait recommandé à la Cour de casser cette décision. A ses yeux, il fallait écarter tout soupçon de "déloyauté" du fait que les pièces litigieuses avaient "été soumises à la libre discussion des parties", à l'occasion du procès en appel.
Mercredi, la Cour a suivi cette position et annulé l'arrêt de février 2009, renvoyant le dossier devant la cour d'appel de Paris autrement composée.
Alors qu'ils ont refait leur vie, les cinq hommes encourront alors une nouvelle fois la prison.
"L'arrêt de la cour d'appel était extrêmement motivé", a déploré le conseil de Sassi et Benchellali, Me Willam Bourdon, ajoutant: "C'est une page sinistre de l'histoire judiciaire française. C'eût été à l'honneur de la France de reconnaître que la fin ne justifiait pas les moyens".