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De Ciotti à Sarkozy : l’union avec l’extrême droite gagne du terrain chez Les Républicains
Dans son livre à paraître, "Le journal d’un prisonnier", l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy ouvre la porte à un rapprochement entre Les Républicains et le Rassemblement national. Une étape de plus vers une union que la plupart des figures de droite rejetaient il y a encore dix-huit mois.
Nicolas Sarkozy évoque dans son livre "Le journal d'un prisonnier" la question de l'union de la droite avec l'extrême droite. © Philippe Lopez, AFP

Le psychodrame de juin 2024 chez Les Républicains (LR) est encore dans toutes les mémoires. Éric Ciotti, alors patron du parti, avait fait éclater une crise interne en annonçant vouloir une alliance avec le Rassemblement national (RN) en vue des élections législatives anticipées. Celle-ci avait abouti au rejet de tout accord et à son exclusion de LR. Dix-huit mois plus tard, c’est maintenant Nicolas Sarkozy qui ouvre la porte de l’union entre la droite et l’extrême droite. Une preuve supplémentaire que la digue qui séparait encore récemment le RN de LR se fissure.

Dans "Le journal d'un prisonnier", livre consacré à ses 20 jours de détention qui sort en librairie mercredi 10 décembre, Nicolas Sarkozy rapporte un échange téléphonique avec Marine Le Pen. "Vous associerez-vous à un quelconque front républicain" lors de futures échéances électorales ?, lui aurait demandé la cheffe de file du Rassemblement national. "Ma réponse fut sans ambiguïté : 'Non, et de surcroît je l'assumerai en prenant le moment venu une position publique sur le sujet'", écrit l'ancien président.

Nicolas Sarkozy ne s'arrête pas là. "Le chemin de reconstruction de la droite ne pourra passer que par l'esprit de rassemblement le plus large possible, sans exclusive et sans anathème", ajoute celui qui, en 2017 et 2022, avait publiquement appelé à voter pour Emmanuel Macron au second tour de la présidentielle face à Marine Le Pen.

Même s’il est sorti de la vie politique active et qu’il ne s’agit que d’un avis personnel donné au détour de quelques lignes dans un livre de 213 pages, Nicolas Sarkozy reste une figure tutélaire pour la droite et, surtout, son dernier champion à avoir occupé l’Élysée (2007-2012).

"Qu’un ancien chef d’État, qui est une référence majeure pour la droite et dont la parole compte auprès des militants, fasse un tel pas vers le Rassemblement national est un tournant, d’autant qu’il n’avait pas ménagé ses efforts ces dernières années pour expliquer aux dirigeants de LR qu’ils devaient faire un deal avec les macronistes", souligne le politologue Bruno Cautrès, chercheur au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof).

Pour Bruno Retailleau, le RN "appartient à l'arc républicain"

Le revirement de Nicolas Sarkozy sur le front républicain – il affirmait en 2015 lors des élections régionales que "tout responsable UMP qui conclura un accord avec le Front national sera immédiatement exclu" – vient s’ajouter à des déclarations similaires chez les dirigeants LR.

Personne n’ose encore aller aussi loin que ne l’avait fait Éric Ciotti en 2024 en évoquant un accord entre partis, mais petit à petit, la tabou s’estompe. L’actuel patron du parti et ancien ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, avait refusé en octobre, lors de la législative partielle dans le Tarn-et-Garonne qui opposait une socialiste à un candidat UDR (le parti d’Éric Ciotti) soutenu par le RN, de faire barrage à l’extrême droite. "Pas une voix pour la gauche, c’est notre ligne", avait-il affirmé.

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Début décembre, c’est le patron des députés LR, Laurent Wauquiez, qui faisait une sortie similaire sur TF1 en affirmant au sujet des prochaines élections municipales de mars 2026 que son parti appellerait "à voter tout sauf LFI". "Cela veut dire voter blanc, ça veut dire voter pour ceux qui sont en face, quel que soit le parti. Je ne peux pas être plus clair", avait-il précisé.

Et dimanche sur BFMTV, si Bruno Retailleau a précisé qu’il ne croyait pas à "une tambouille d’appareils", "vaine" à ses yeux, il a plaidé pour une "union des droites" qui doit se faire "dans les urnes", estimant que "le Rassemblement national appartient à l'arc républicain, ce que n'est pas La France insoumise".

"Un principe de réalité qui finit par s’imposer"

Le contraste avec les grandes déclarations des figures LR de juin 2024 est toutefois saisissant. Alors que Gérard Larcher, Valérie Pécresse, Xavier Bertrand, Laurent Wauquiez ou encore Jean-François Copé s’étaient offusqués des déclarations d’Éric Ciotti, rares sont les voix qui s’élèvent aujourd’hui pour contredire Bruno Retailleau ou Nicolas Sarkozy.

"Je préfère les positions politiques de Nicolas Sarkozy de 2007 que les positions politiques de Nicolas Sarkozy en 2025", a osé, dimanche sur France Inter, le président de la région Hauts-de-France Xavier Bertrand. "À l'époque, il combattait le Rassemblement national, par l'action et par des convictions, et par une fidélité aussi à ce qu'était l'UMP, le mouvement de Jacques Chirac. Aucune collusion avec les extrêmes", a-t-il ajouté, assurant être "capable de dire très clairement ni LFI, ni RN".

"Il n'y aura pas d'alliance ni d'association avec les partis d'extrême droite", a répondu de son côté l’ancien Premier ministre Michel Barnier sur TF1, même s'il a dit souhaiter "parler aux électeurs qui nous ont quittés".

"Il y a clairement une évolution chez Les Républicains. Ils ont assisté à l’écrasante victoire de Jordan Bardella aux européennes, à la victoire du RN en nombre de voix aux deux tours des législatives et observent la multiplication des enquêtes d’opinion décrivant une dynamique du Rassemblement national. Il y a donc un principe de réalité qui finit par s’imposer, d’autant qu’il existe une grande proximité entre les deux électorats", juge Bruno Cautrès.

Dans un sondage publié le 20 novembre par Odoxa pour Le Figaro, autant d'électeurs LR se déclaraient ainsi favorables, en vue des municipales 2026, à une alliance avec le parti d’extrême droite qu'avec le camp présidentiel. Si une alliance n’est pas encore à l’ordre du jour, ces élections locales pourraient rebattre pour de bon les cartes en cas de percée du Rassemblement national sur les terres de droite.