Les bureaux de vote ont ouvert ce matin dans une ambiance tendue alors que le duel s'annonce serré entre la pro-européenne Ioulia Timochenko, ancienne égérie de la Révolution orange, et le pro-russe Viktor Ianoukovitch.
Après des semaines de campagne agressive et acharnée, c'est dans les urnes que se poursuit la bataille. Ioulia Timochenko, actuelle Premier ministre et égérie de la Révolution orange, et l'opposant pro-russe Viktor Ianoukovitch n'ont pas hésité à recourir aux insultes et aux accusations dans leur course à la présidence, instillant un climat tendu.
Les électeurs, appelés à se rendre aux urnes depuis l'ouverture des bureaux de vote ce matin, le font sans enthousiasme. Au premier tour, un tiers des électeurs ne s'étaient pas déplacés. "Les Ukrainiens sont totalement désillusionnés, et cette désillusion est à la hauteur des espoirs suscités par la Révolution orange il y a 5 ans. Ils ne croient plus en leur classe politique", explique Virgine Herz, l'envoyée spéciale de FRANCE 24 à Kiev. "Beaucoup de gens sont désabusés, ils n'ont envie ni de l'un ni de l'autre candidat, confirme Annie Daubenton, chercheuse indépendante et spécialiste de l'Ukraine. Il faut dire que les attentes après la Révolution orange étaient très élevées pour un pays qui n'est indépendant que depuis 15 ans."
itEn novembre 2004, des centaines de milliers de manifestants étaient descendus dans la rue pour contester la victoire au second tour de Viktor Ianoukovitch, accusé de fraudes, et obtenir celle de leur champion, Viktor Iouchtchenko. Depuis, Iouchtchenko et Timochenko, les deux alliés d'alors, n'ont cessé de se neutraliser mutuellement, plongeant le pays dans une paralysie politique complète. Les réformes institutionnelles promises n'ont pas eu lieu et la corruption continue à gangréner le pays.
Sur le plan économique, l'Ukraine a été largement affectée par la crise économique : son PIB a chuté de 15 % en 2009 et la valeur de la monnaie nationale a dégringolé de 60 % depuis fin 2008. Sur le plan diplomatique, la présidence Iouchtchenko a été marquée par les crises à répétition avec la Russie au sujet du prix du gaz.
"La situation peut déraper"
Aujourd'hui, les deux candidats promettent à la fois d'améliorer les relations avec Moscou et de renforcer la coopération économique avec l'Europe. Un discours qui cache pourtant de réelles différences, selon Anne Daubenton. "Il y a des différences politiques fondamentales, même si les candidats intervertissent leur discours. Timochenko est évidemment beaucoup plus européenne et ouverte à l'Ouest, alors que les priorités de Ianoukovitch sont le rapprochement avec Moscou, l'officialisation de la langue russe, et donc globalement l'apaisement des relations avec le 'grand frère' notamment au sujet du gaz."
Si Ianoukovitch a remporté le premier tour avec dix points d'avance, l'issue du vote de ce dimanche reste largement incertaine et rien ne garantit que le candidat malheureux de 2004 puisse faire son grand retour. Le résultat, certainement très serré, pourrait donner lieu à des manifestations. "La situation est très convulsive à Kiev et le scrutin risque d'être extrêmement subversif, constate Anne Daubenton. Chaque candidat va revendiquer des phénomènes de fraudes et de malversations et essayer de jouer sur l'opinion publique."
Timochenko a déjà promis d'aller manifester avec ses partisans si des fraudes étaient averées. Viktor Ianoukovitch prépare pour lundi une manifestation de 50 000 personnes devant la Commission électorale centrale à Kiev, a annoncé dimanche le ministère de l'Intérieur. "A Kiev, des manifestations très organisées ont lieu depuis plusieurs jours. Elles sont tumultueuses, peu pacifiques, et la situation pourrait déraper à la moindre provocation", craint Anne Daubenton.
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