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RéessayerEncore une élection européenne au-dessus de laquelle plane l’ombre de Vladimir Poutine. Les Tchèques se rendent aux urnes vendredi 3 et samedi 4 octobre pour les élections législatives, qui déboucheront sur la formation d’un nouveau gouvernement. Et le soutien tchèque à l’Ukraine représente l’un des enjeux centraux de ce vote.
C’est Andrej Babis, le candidat populiste favori de Moscou, qui devance de près de dix points dans les sondages le Premier ministre sortant Petr Fiala et à sa coalition de centre droit (environ 30 % contre un peu plus de 20 %).
La Russie a, en effet, inondé la République tchèque d’un flot continu de désinformation en faveur du parti ANO ("Oui") d’Andrej Babis, selon les résultats de l'enquête publiée en août par le site d’information Voxpot (lien hors service au moment de la publication).
Andrej Babis n'est pas Viktor Orban
À la manière de l’ingérence russe en Roumanie lors de la présidentielle de mai, plus d’une quinzaine de faux sites d’information ont fait leur apparition, et leur propagande prorusse et pro-Babis a été amplifiée par des centaines de comptes TikTok. Durant la campagne électorale, ces quelques sites ont produit davantage de contenus que la totalité des articles écrits par l’ensemble des médias tchèques, selon les journalistes de Voxpot.
"La Russie semble penser qu’Andrej Babis pourrait devenir une sorte de nouveau Viktor Orban [le très prorusse Premier ministre hongrois, NDLR]", indique Jan Culik, spécialiste de la République tchèque à l’université de Glasgow.
Pourtant, "rien dans ce qu’Andrej Babis a dit ou pu faire lorsqu’il était Premier ministre entre 2017 et 2021 ne suggère qu’il est prorusse. Il n’a jamais démontré avoir d’atome crochu économique ou idéologique avec la Russie", assure Vit Hlousek, politologue à l’université Masaryk de Brno.
Le chef du mouvement ANO n’est en effet pas un nouveau venu dans l’arène politique, contrairement à la surprise Calin Georgescu en Roumanie. À l’origine, Andrej Babis était "un entrepreneur à succès qui a décidé de se lancer en politique en 2011 car il affirmait que le gouvernement était corrompu. C’était une formation plutôt classée à gauche, qui a peu à peu effectué un virage à droite pour permettre à Andrej Babis de capter cet électorat", résume Jan Culik.
Durant tout son cheminement politique, Andrej Babis ne semble jamais avoir fait d’ouverture vers la Russie. Interrogé ces derniers mois sur une éventuelle sympathie poutinienne, surtout après la publication de l’enquête de Voxpot, le favori de l’élection a qualifié l’idée qu’il prônerait un rapprochement avec la Russie de "mensonge éhonté".
Les désinformateurs russes se seraient-ils à ce point fourvoyés ? Pas forcément. Andrej Babis a plusieurs fois répété durant la campagne qu’il mettrait un terme à un programme de livraison de munitions à l’Ukraine, considéré comme l’une des initiatives de soutien à l’effort de guerre ukrainien les plus importantes en Europe.
Opportuniste
"S’il devient Premier ministre, on peut s’attendre à une politique de soutien à l’Ukraine revu à la baisse", souligne Vit Hlousek. Mais ce ne sera pas pour faire plaisir à Vladimir Poutine. "C’est une position purement opportuniste de la part d’Andrej Babis", assure le politologue.
En effet, le leader du parti ANO a bâti sa campagne sur des relents très populistes visant à capitaliser sur le ressentiment d’une partie de la population contre la politique de Petr Fiala. "Paradoxalement, le gouvernement de centre droit a contribué à pousser la République tchèque vers des positions plus russo-compatibles", assure Jan Culik.
Comment un gouvernement qui s’est toujours positionné, avec la Pologne, à la pointe du soutien à l’Ukraine aurait-il pu faire le jeu de Moscou ? En raison de la politique économique, affirment les experts interrogés par France 24. "Il y a eu une forte inflation après la pandémie de Covid-19, tandis que les salaires n’ont pas augmenté aussi vite, ce qui a contribué à faire baisser le niveau de vie d’une partie de la population. Le gouvernement a été perçu comme ne faisant rien pour arranger la situation", résume Jan Culik.
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Réessayer
Une aubaine pour Andrej Babis, qui s’est emparé de ce sujet et "a promis qu’il s’occuperait en priorité des Tchèques et non pas des Ukrainiens", note Vit Hlousek. Un discours très "trumpien" qui consiste à donner la priorité aux Tchèques par rapport à des supposés profiteurs étrangers. Ce n’est pas un hasard si ce sont les Ukrainiens qui sont ici visés dans un pays, la République tchèque, qui a accueilli le plus de réfugiés ukrainiens par habitant dans l’Union européenne.
En outre, "il faut espérer que si Andrej Babis arrive en tête, ce sera avec une majorité suffisamment confortable pour ne pas avoir à faire de coalition", prévient Jan Culik. En effet, si son avance n’est pas suffisante, le parti ANO risque de devoir "faire alliance avec des partis radicaux, comme le parti d’extrême droite Liberté et démocratie directe (SPD) et la coalition d’extrême gauche Stacilo! ["assez !"], qui ont des positions plus prorusses assumées", précise Vit Hlousek.
Andrej Babis, l'imprévisible
Le populisme affiché d’Andrej Babis a fait naître dans les médias des comparaisons avec Donald Trump, d’autant plus qu’il est, lui aussi, un entrepreneur milliardaire. Le candidat a aussi vendu des casquettes rouges flanquées du slogan "Pour une République tchèque forte" qui ressemblent aux casquettes "Maga" du président américain.
Un nouveau petit Trump en Europe ferait la joie des propagandistes à la solde de Moscou. Pas seulement parce que cela affaiblirait le soutien de Prague à Kiev, mais aussi "parce qu’on ne sait jamais ce qu’il va faire et ce côté imprévisible va créer de l’incertitude en Europe", estime Jan Culik. C'est la stratégie du chaos de Moscou.
Pour autant, si le milliardaire tchèque remporte les élections, "il n’aura pas le même impact sur le soutien européen à l’Ukraine que peut l’avoir Viktor Orban", assure Vit Hlousek. D’abord, "parce que la République tchèque pèse moins que la Hongrie", ajoute cet expert. Ensuite, parce que le Premier ministre hongrois a une certaine constance dans son soutien à la Russie. "Andrej Babis est très pragmatique et si les aides européennes servent ses intérêts, il s’alignera avec l’UE", estime Jan Culik. Mais, pour Vit Hlousek, d’un "point de symbolique, une victoire d’Andrej Babis sera une victoire pour Moscou".