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Scandales politico-financiers : quels sont les présidents et ministres déjà condamnés ?
Nicolas Sarkozy a été condamné jeudi à cinq ans de prison après avoir été déclaré coupable d'association de malfaiteurs dans l'affaire dite du financement libyen de sa campagne électorale présidentielle victorieuse de 2007. Même s'il va devenir le premier ex-président à être incarcéré, plusieurs hommes d'Etat de la Ve République ont déjà été condamnés par la justice.
L'ancien président Nicolas Sarkozy, l'ancien ministre du Budget Jérôme Cahuzac et l'ancien ministre de l'Intérieur Charles Pasqua, tous poursuivis par la justice. © Studio graphique France Médias Monde

Le tribunal de Paris a condamné, jeudi 25 septembre, Nicolas Sarkozy à cinq ans de prison avec incarcération prochaine pour avoir "laissé ses proches" démarcher la Libye de Mouammar Kadhafi pour le financement de sa campagne de 2007. Pour la première fois de l'histoire de la Ve République, un ex-président va se retrouver derrière les barreaux. De nombreux hommes et femmes politiques, dont notamment un ancien chef de l'État et des ministres, ont toutefois déjà été condamnés par le passé.

Les anciens présidents

  • Nicolas Sarkozy

L'affaire du financement libyen n'est pas la seule dans laquelle est englué l'ex-président, condamné à l'issue de ses quatre précédents procès.

Définitivement condamné à un an de prison ferme dans l'affaire dite des écoutes, Nicolas Sarkozy a dû porter entre janvier et mai un bracelet électronique à la cheville, sanction inédite pour un ancien chef de l'État. Il a déposé un recours devant la Cour européenne des droits de l'Homme.

Dans ce dossier, il a été reconnu coupable d'avoir noué en 2014, au côté de son avocat historique Thierry Herzog, un "pacte de corruption" avec Gilbert Azibert, haut magistrat à la Cour de cassation, afin qu'il transmette des informations et tente d'influer sur un recours formé par Nicolas Sarkozy dans l'affaire Bettencourt.

Il a par ailleurs été condamné en appel à un an de prison, dont six mois ferme, dans l'affaire Bygmalion sur le financement de sa campagne présidentielle perdue de 2012. Son pourvoi en cassation doit être examiné le 8 octobre.

  • Jacques Chirac

Longtemps protégé par l'immunité présidentielle, Jacques Chirac est devenu le premier chef de l'État français à avoir été condamné en justice. Le nom de Jacques Chirac apparaît dans plus d'une dizaine d'affaires judiciaires. La plus emblématique, et qui finira par lui valoir sa condamnation à deux ans de prison avec sursis, concerne les emplois fictifs à la Mairie de Paris.

La justice s'est intéressée, dans deux affaires distinctes, à un total de 28 postes distribués à des amis ou alliés politiques entre 1990 et 1995. Mais au-delà de cette trentaine d'emplois, c'est le procès de tout un système clientéliste mis en place par la chiraquie durant le mandat de Jacques Chirac à l'hôtel de ville de la capitale (1977-1995) que les parquets de Nanterre et Paris ont instruit. Un lourd dossier qui a aussi valu des condamnations à plusieurs proches du président, dont le fidèle Alain Juppé en 2004.

Scandales politico-financiers : quels sont les présidents et ministres déjà condamnés ?
L'ancien président français Jacques Chirac, accusé de corruption pour avoir détourné des fonds publics afin de rémunérer des employés de son parti pendant son mandat de maire de Paris (1977-1995), à la sortie de son bureau à Paris, le 7 mars 2011, jour du début de son procès, auquel il n'a pas assisté. Bertrand Langlois, AFP

Les anciens Premiers ministres

  • Alain Juppé

"Fils préféré de Jacques Chirac", Alain Juppé a été Premier ministre de mai 1995 à juin 1997. Le maire de Bordeaux a été contraint de quitter la vie politique en 2004, la cour d'appel de Versailles l'ayant condamné à 14 mois de prison avec sursis et à un an d'inéligibilité pour prise illégale d'intérêts dans le cadre de l'affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris. Parti enseigner au Québec, il fait son retour en politique deux ans plus tard en retrouvant son mandat local, qu'il gardera jusqu'en 2019. Longtemps donné favori en vue de l'élection présidentielle de 2017, il perd la primaire présidentielle de la droite et du centre de 2016 face à François Fillon. Il est aujourd'hui membre du Conseil constitutionnel.

  • François Fillon

À l'image d'Alain Juppé, François Fillon a également vu ses ambitions présidentielles réduites en cendres. L'affaire du "Penelopegate" a éclaté avec les révélations du Canard enchaîné en janvier 2017, alors que l'ancien Premier ministre (2007-2012) était candidat de la droite et du centre à la présidentielle – une élection dont il a finalement été éliminé dès le premier tour. En juin dernier, il a été condamné à quatre ans de prison avec sursis, 375 000 euros d'amende et cinq ans d'inéligibilité, notamment pour détournement de fonds publics dans l'affaire des emplois fictifs de son épouse. Contrairement à Nicolas Sarkozy, l'ex-locataire de Matignon a échappé au bracelet électronique.

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L’ancien Premier ministre François Fillon et son épouse Pénélope à leur arrivée au palais de justice de Paris, le 26 février 2020. © Thibault Camu, AP
  • Édith Cresson

Pour avoir fourni un emploi fictif supposé au sein de son cabinet à un ami, dentiste à Châtellerault, alors qu'elle était commissaire européenne, l'ancienne Première ministre (1991-1992) a été suspectée de népotisme au côté de plusieurs autres membres de la commission Santer, qui est contrainte à la démission collective en mars 1999.

Après son inculpation pour corruption par la justice belge, son immunité a été levée à l'unanimité un an plus tard. Finalement, elle a bénéficié d'un non-lieu.

En revanche, elle a été condamnée le 11 juillet 2006 par la Cour de justice de l'Union européenne, qui l'a dispensée de toute sanction pécuniaire, alors que la Commission demandait la suppression totale de ses droits à la retraite tandis que l'avocat général de la Cour prônait la réduction de moitié de ses émoluments et avantages.

Les anciens ministres

  • Charles Pasqua

Pièce maîtresse de l'équipe de Jacques Chirac dans les années 1980, Charles Pasqua a été le ministre de l'Intérieur du gouvernement Chirac (1986-1988). Il s'est ensuite vu à nouveau confier ce portefeuille entre 1993 et 1995, avec rang de ministre d'État, dans le gouvernement d'Édouard Balladur. Sa carrière politique a été marquée par une part d'ombre liée à ses activités au sein de services d'ordre parallèles, ses réseaux africains et ses démêlés judiciaires. Cité dans près d'une dizaine d'affaires (financement politique, vente d'armes à l'Angola), il avait été condamné définitivement en 2010 dans deux dossiers : à 18 mois de prison avec sursis pour le financement illégal de sa campagne européenne de 1999 par le biais de la vente du casino d'Annemasse (Haute-Savoie), et à un an avec sursis par la Cour de justice de la République (CJR) dans l'affaire des détournements de fonds au préjudice de la Sofremi (exportation de matériel de sécurité).

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L'ancien ministre de l'Intérieur Charles Pasqua, le 29 avril 2011 au tribunal de Paris, après l'audience d'appel dans l'affaire des ventes d'armes à l'Angola. Mehdi Fedouach, AFP
  • Claude Guéant

Dans l'affaire du financement libyen, l'ex-ministre de l'Intérieur a été condamné à six ans de prison pour toute une série de délits, dont corruption, trafic d'influence passive ou encore faux et usage de faux. Mais tenant compte de son état de santé, le tribunal n'a pas assorti cette peine de mandat de dépôt. Claude Guéant a par ailleurs été condamné à une amende de 250 000 euros.

Il avait déjà été définitivement condamné en 2019 à deux ans d'emprisonnement, dont un an ferme, et à une interdiction d'exercer toute fonction publique pendant cinq ans, pour complicité de détournement de fonds publics et recel dans l'affaire des primes en liquide – puis incarcéré en décembre 2021. Il avait ensuite été condamné en première instance, en janvier 2022, à une peine d'un an d'emprisonnement, dont huit mois ferme, pour favoritisme dans l'affaire des sondages de l'Élysée. En novembre 2022, il avait de nouveau été condamné à dix-huit mois de prison dont six mois ferme pour escroquerie des frais de sa campagne législative de 2012.

  • Brice Hortefeux

Toujours dans l'affaire du financement libyen, l'ancien ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux a été condamné à deux ans de prison, une peine aménageable à effectuer sous bracelet à domicile assortie de l'exécution provisoire, et à une amende de 50 000 euros.   

  • Jérôme Cahuzac

Le scandale a profondément marqué le quinquennat de François Hollande. En décembre 2012, le site d'information Mediapart a révélé que le ministre du Budget avait un compte en Suisse. Jérôme Cahuzac s'est d'abord enferré dans le mensonge. Il a fini par démissionner le 19 mars 2013, puis par avouer sa faute quelques semaines plus tard. En mai 2018, il a finalement été condamné par la cour d'appel de Paris à quatre ans de prison, dont deux avec sursis, pour fraude fiscale et blanchiment. Il a bénéficié d'un aménagement de peine avec le port d'un bracelet électronique.

Scandales politico-financiers : quels sont les présidents et ministres déjà condamnés ?
L'ancien ministre du Budget Jérôme Cahuzac, condamné en 2016 à trois ans de prison pour fraude fiscale, lors de son départ du tribunal de Paris le 15 mai 2018, après l'audience de son appel pour fraude fiscale et blanchiment d'argent. Eric Feferberg, AFP
  • Bernard Tapie

Repéré par le président François Mitterrand, l'homme d'affaires est élu député des Bouches-du-Rhône en 1989, puis conseiller régional, avant de devenir ministre de la Ville en 1992. Dirigeant de nombreuses entreprises, il a été impliqué dans plusieurs scandales financiers. Bernard Tapie a été condamné dans l'affaire VA-OM – qui lui vaut d’être emprisonné en 1997 pendant près de six mois –, dans l'affaire du Phocéa et dans l'affaire Testut. Dans les années 2010, à la suite d'un arbitrage condamnant l'État à lui payer 403 millions d'euros d'indemnités dans le cadre de l'affaire du Crédit lyonnais, il a été de nouveau poursuivi. Sa mort en 2021 met fin aux poursuites.

Scandales politico-financiers : quels sont les présidents et ministres déjà condamnés ?
L'ancien président de l'Olympique de Marseille, Bernard Tapie, sort du tribunal de Douai, le 28 novembre 1995, condamné par la cour d'appel à 24 mois de prison, dont 16 avec sursis dans l'affaire VA-OM. Gérard Cerles, AFP
  • François Léotard

Député du Var et maire de Fréjus, François Léotard a été ministre lors des deux cohabitations sous François Mitterrand : de la Culture dans le gouvernement de Jacques Chirac (1986-1988), puis de la Défense dans le gouvernement d'Édouard Balladur (1993-1995). Il a été condamné en 2004 pour avoir détourné, en 1995, un fonds public de Matignon afin de financer sa propre formation politique, le Parti républicain. En 2021, jugé par la Cour de justice de la République pour complicité d’abus de biens sociaux dans le cadre du volet financier de l’affaire Karachi, il a été condamné à deux ans d’emprisonnement avec sursis et 100 000 euros d'amende.

  • Alain Carignon

Ministre délégué à l'Environnement du gouvernement Chirac II, puis ministre de la Communication du gouvernement Balladur en 1993, ce membre du RPR, maire de Grenoble, est passé par la case prison. En 1994, il a dû démissionner du gouvernement et se placer en retrait de la mairie, après sa mise en examen pour corruption et abus de biens sociaux pour le financement de sa campagne aux élections municipales. Jugé coupable, il a été condamné à cinq ans de prison, dont un an avec sursis, et cinq ans d'inéligibilité. Alors qu'il était incarcéré, il a été mis en examen pour faux, usage de faux et abus de biens sociaux dans une enquête sur la société Grenoble Isère Développement (GID). Il a finalement été condamné en 1999 à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis et 80 000 francs d'amende pour abus de biens sociaux et usage de faux.

  • Léon Bertrand

Ministre du Tourisme sous la présidence de Jacques Chirac, ce député de Guyane a été condamné en 2017 à trois ans de prison ferme pour corruption passive et favoritisme dans une affaire de pots-de-vin liés à des marchés publics de la Communauté de communes de l'Ouest guyanais, dont il avait pris la présidence en avril 2001. Il a aussi été condamné à 18 mois de prison ferme pour complicité d’abus de biens sociaux dans le dossier de la Senog, la société d’économie mixte de l’Ouest guyanais. Il a passé au total près de 11 mois dans une cellule en détention provisoire, en Martinique tout d’abord, puis en Guyane, les deux peines ayant été confondues.

Avec AFP